14 mai 2006

"Orcaille" à Haptic, Vestibule de la Maison Rouge, du 4 au 14 mai 2006

Le vernissage s'est super bien passé, ensuite un couscous a été offert par l'équipe aux visiteurs, le public était ravi!! (enfin, je crois)
Il y avait vraiment beaucoup de monde, merci à tous d'être passé...
J'ai été un peu discrète ces derniers temps mais trop de travail avec l'expo...
De nombreux projets en cours, à suivre...
Sinon, le texte de l'exposition ci-après...
Bonne lecture!


Du cinéma à la vidéo, du crime à la magie: Orcaille ou le rapt du réel

« Le cinéma, […] mauvais lieu, lieu d’un crime et d’une magie. Le crime : que des images et des sons soient prélevés (arrachés, volés, extorqués, pris) sur des êtres vivants. La magie : qu’ils soient exhibés sur une autre scène (la salle de cinéma) pour y causer la jouissance de celui qui les voit. »
Extrait de La Rampe, de Serge Daney

Il est parfois difficile pour un commissaire d’exposition de travailler avec un collectif comme Orpaille, composé de plasticiens exigeants et aux moyens d’expression variés, et moins enclins à des discussions d’ordre conceptuel qu’à celles qu’ils entretiennent avec Adobe Première ou Maya 7. Par exemple, avec un des membres de son noyau dur, Thibault Gleize. L’homme, un peu old school, est réfractaire à toute tentative de conceptualiser son propre travail. Il cite bien, au hasard, quelques références, mais ce sont plus des objets de trip, Lynch, Kubrick, Barney, que des cinéastes, que de véritables influences qui structureraient son langage. Donc, pas de clés dicibles, pas de cadre artistico-historique ou de discours idéologique bien propre sur lequel calquer son propre propos. Non. Un fossé, une distance, parfois douloureuse pour l’amour-propre du simple montreur d’artiste qu’est le commissaire, mais pourtant salutaire car humiliante dans le bon sens du terme, pour une fois, être mis au même niveau que ce spectateur ignorant, découvrant l’œuvre de façon fraîche, l’abordant désarmé et tout à la surprise visuelle immédiate.
L’œuvre se découvre d’autant plus facilement qu’elle est un film. Un vrai film, avec des rebondissements, des décors, des personnages, une bande son, des travellings, des réglages lumières, des contre-plongées et tout le tralala. Ce vocabulaire, chacun le connaît par cœur. C’est celui d’Hollywood : c’est celui du cinéma, rendu familier par le prisme populaire de la télévision. De quoi réjouir les détracteurs habituels de l’art contemporain : ici les règles du jeu sont données, Orcaille est un film, un vrai, il va être possible de le juger (voire de l’apprécier !) à l’aune de critères tout à fait conventionnels, de rythme, de photographie, de cadrage, de son, et de narration.
A cette aune familière, le spectateur, même le plus novice en matière de vidéo plasticienne (appellation oh combien barbare !), pourra alors se concentrer tout entier sur le film. Laisser une chance à la magie de l’histoire de faire son cinéma.
Voyons alors ces jeunes plasticiens comme des éponges. Des jeunes gens sensibles, un peu taciturnes, spectateurs éthérés traversant la cité quotidiennement à l’occasion de leurs différentes activités plus ou moins exotiques (surveillants de collège, webmasters, membres du conservatoire de musique, étudiants en art et en cinéma, mais aussi guides à Notre Dame, gardiens à La Grande Chapelle ou encore décorateurs de série télévisées françaises), se promenant souvent avec caméra ou appareil photo. L’œil collé au viseur, sorte de Tartowskis de l’an 2000, ils enregistrent comme un journal quotidien des images, des moments, de décors, des vies, des personnes, une, des réalités. Cette force d’attraction du réel sur l’artiste dont le regard transforme, est au cœur du travail de l’équipe d’Orpaille. De ces images réelles, crues, ils vont façonner un monde étrange et dupliqué, où le temps s’étire et se rétrécit, où les personnages et les architectures se transforment, alternant sans cesse entre beauté mystique et côté obscur. Ce travail sensible est engagé profondément dans son siècle, et dans le chaos ordonné que sont devenues nos cités occidentales contemporaines : sublimation d’un passé architectural séculaire, fascination pour les grands complexes industriels modernes, pour la capacité de l’urbain à se métamorphoser en un paysage dans le sens bucolique du terme ; surgissement d’une nature adaptée et interstitielle, présence humaine effacée, inquiète se heurtant à l’immensité de structures pensées par elle et dont l’échelle s’est cependant totalement émancipée. Une réflexion somme toute logique et dont pourtant la magie demeure inexplicable, dans la beauté du récit et du travail, numérique, d’orfèvre : l’équipe utilise l’ordinateur, ses possibilités de travail sonore et virtuel pour sculpter la bande, pixel par pixel, à l’image de la photographie que Barthe décrivait comme une véritable sculpture de lumière1, l’empreinte physique sur la matière du film d’une émanation du référent.
Car ce qu’il faudra retenir d’Orcaille, c’est peut être une humilité, telle celle qui me désarmait au moment d’aborder l’écriture de ce texte : une humilité devant le pouvoir d’une imagination singulière, une humilité dans l’ardeur à aborder la vidéo d’art comme un challenge nouveau, créateur de nouvelles formes d’expression rendues possibles par les technologies numériques, technologies souvent utilisées de façon anecdotiques comme autant de prétexte à la suffisance, voire à la médiocrité par certains qui se targuent de penser que le spectateur n’y connaît rien. Mais le spectateur au contraire est dans ce cas le véritable connaisseur, il est celui qui s’abreuve au quotidien de milliers d’images en mouvement, et si Orcaille peut lui faire oublier les autres images ne serait ce que 6mn40, le déconnecter du monde et le faire rêver éveiller, ce qui est une des capacités du cinéma et, entre autres, de l’art, alors c’est avec une satisfaction simple, d’artisan, que le collectif Orpaille retournera se pendre à d’autres clochers et épuiser encore quelques unités centrales pour tisser, Pénélopes inlassables, le fil magique qui lie fiction et réalité, seconde après seconde, minute après minute.

1 « On dit souvent que ce sont les peintres qui ont inventé la photographie (...) Je dis : non, ce sont les chimistes (...) la photo est littéralement une émanation du référent. (...) la photo de l’être disparu vient me toucher comme les rayons différés d’une étoile (...) Ainsi la photographie du Jardin d’Hiver, si pâle soit-elle, est pour moi le trésor des rayons qui émanaient de ma mère enfant, de ses cheveux, de sa peau, de sa robe, de son regard, ce jour-là »
Extrait de La Chambre Claire, de Roland Barthe

2 commentaires:

Anonyme a dit…

tu veux dire Fabien barthez?

Anonyme a dit…

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