tag:blogger.com,1999:blog-231760562024-03-08T21:36:17.460+01:00le Blog de Dorothée DupuisContributions rapides, réflexions, morceaux de textes en vrac, coups de gueule, digressions de diverses longueurs...c'est irrégulier et ça me va, la pensée sur l'art n'est pas un long fleuve tranquilleDorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.comBlogger48125tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-90819622438498796632011-06-23T20:23:00.001+02:002011-06-23T20:25:44.982+02:00Entertainment ! (6)Dans le train, Richard Larracher fulmine. Il fulmine tant d'ailleurs qu'il est tout seul dans le carré du TGV 1ere classe, les autres membres de l'équipe assis à côté de lui s'étant ostensiblement éclipsés au bar de la rame afin de cesser de se prendre des remarques assassines à chaque parole proférée (non que ça change spécialement de d'habitude, mais là, les pointes sont vraiment acérées, et savent taper où ça fait vraiment mal). Les autres membres de l'équipe sur les sièges derrière, n'en mènent d'ailleurs pas large. Ils lisent le journal en tentant de faire le minimum de bruit possible avec les pages, et grignotent leurs viennoiseries en silence, tentant de réduire leurs mâchonnements à leur minimum.<br />
Fixant la campagne bourguignonne déroulant ses plaines vallonnées sous ses yeux exorbités, il pousse soupir sur soupir, tout en maugréant de façon inaudible. Mais la fureur qui semble de l'extérieur l'habiter n'est rien en comparaison de celle, intérieure, qui agite son cerveau à la minute même.<br />
Richard Larrecher est en effet sous l'emprise d'une colère indescriptible, en même temps que d'un sentiment d'injustice vertigineux, proche d'un sentiment calimeresque*. Il est en effet furieux contre cette équipe de cultureux, qu'il qualifierait lui même d'alternatifs, qu'il subventionne même pour certains, qui osent s'ériger en justicier du système qu'il sert avec la bonne foi de l'énarque qui ne connaît qu'une méthode, celle des siens, et qui sait tout le temps qu'on perd à tenter d'expérimenter autre chose. Il est donc outré de tout ce temps perdu : car il sait qu'ils vont craquer, qu'ils vont trouver un moyen, par la force ou par la ruse, de les faire déguerpir. Mais après cet épisode pénible, qu'il va falloir supporter sous les quolibets habituels de la presse nationale et internationale (la locale l'indiffère depuis longtemps) et de ses collègues qui trouvent que décidément ce poste censée couronner une fin de carrière tourne quand même à la bonne farce, il va surtout falloir encore tout recommencer, tout remettre "en ordre de marche" comme il le dit lui même, il va falloir encore remobiliser son équipe toujours et encore fragilisée, divisée, démotivée, déjà qu'il n'est pas bon en RH, il se le disait déjà il y a quelques années, "Richard, tu es un DRH déplorable, tu ne sais pas t'entourer, ça te jouera des tours", alors là, il a beau tenter d'organiser les choses en équipe, de déléguer un maximum, il n'y arrive pas, ces méthodes doucereuses l'énervent, quand il ne se rend pas compte après coup que untel ou untel a encore utilisé tel ou tel projet à des fins personnelles et ça, lui l'homme d'état plein de la probité puritaine républicaine parisienne ça le rend fou, il ne comprend pas ce tirage de couverture sudiste incessant, enfin, tout se mélange dans sa tête quand il pense au bordel que cela va être, l'incapacité d'accéder à ses dossiers pendant plusieurs jours, le retard qu'il prend, les voyages qu'il doit annuler, et ça le rend littéralement malade ces changements de plannings, il est fatigué, usé, lui qui pensait prendre sa retraite sur la côte d'azur il pense à changer d'avis tellement il déteste maintenant ce train, cette ville, cette arrivée qui longe la Friche Belle de Mai ce site perdu, médiocre et misérable qu'il déteste et qu'il a dû malgré lui ériger en symbole de la capitale, rien que d'y penser, et au petit sourire flegmatique de Ramier quand il va le croiser... c'en est trop.<br />
Il ferme les yeux et expire lentement, pour se calmer. Il est finalement, plus que tout cela, étouffé par ce sentiment d'injustice à son égard. Pourquoi lui? Pourquoi le sort, le destin, s'acharne t'il sur lui, sur ce projet, sur cette candidature? Pourquoi cette ville ne se laisse t'elle pas tordre, nettoyer, planifier, ordonner, quadriller, lisser, organiser? Pourquoi est elle si rétive, rebelle, qu'il s'agisse de ses élus, de ses techniciens, de ses acteurs culturels, de sa population, de sa bourgeoisie, de ses entrepreneurs? Pourquoi ne se laissent ils pas faire? Il leur veut pourtant du bien. Il y croyait pourtant dur comme fer, à ce nouvel élan, à ce nouveau souffle. Il a bien vu le formidable potentiel. Il s'était vu comme un organisateur démiurge, celui qui placerait le petit pois dans le lit de la mendiante éructante pour l'éveiller à sa propre noblesse, resplendissante et enfin polie, aimable, gracieuse... et voilà qu'encore une fois, le destin s'acharne, qu'une armée de crétins anarchistes arrive à occuper cette putain de maison diamantée ! Il s'étonne lui même de la violence de sa locution. Il s'applique à ne jamais être grossier. Mais c'en est trop. Il reconsidère le paysage extérieur. Les ombres portées des nuages jouent sur les surfaces irrégulières de champs qui longent un cours d'eau ; un clocher roman passe en translation lente dans son champ de vision. Pour la première fois depuis plusieurs mois, il repense à sa mère; à son enfance, à la maison de campagne au bord de la petite rivière. Il pense très vite à toute sa vie, au service de l'état, des autres. Il se revoit petit garçon. Une bouffé d'émotion, associée au sentiment puissant d'injustice qui l'étrangle, lui brûlant presque le gosier tant il est irrité, toujours soufflant et les yeux fermés, lui fait sortir une larme. Il ouvre les yeux brusquement : et surprend à côté de lui, dans le couloir, Gonzague Roch, un de ses directeur adjoints, qui revient du bar avec un croissant et un café et il voit à son air stupéfait et apeuré qu'il a vu cette larme, cette larme qu'il n'aurait pas du voir, mais alors jamais.<br />
"Vous auriez pu m'en prendre un" jappe Larracher, de sa voix sèche et coupante comme un rasoir. "Dé-désolé Richard, je pensais que vous souhaitiez vous reposer, mais prenez celui là, je vais m'en chercher un autre" dit l'autre qui a repris son aplomb le temps de débiter sa phrase. "A tout de suite, nous pourrons reparler du dossier Linz quand je reviens alors" tente t'il même de lancer d'un ton désinvolte en faisant promptement demi tour vers le bar.<br />
Larracher prend une gorgée de café. Cela l'a remis droit dans ses bottes cette petite rencontre avec ce regard mou, faible. Lui même n'est pas faible. Il est fort. Très fort. Il en a vaincu des plus coriaces. Ce n'est qu'une question de jours. Tout à l'heure, il va discuter avec le "comité insurrectionnel" à la maison diamantée (comité insurrectionnel? Ils se prennent pour Desmoulins ou quoi?). Ils veulent le voir seul à seul. Il sourit, pour la première fois depuis deux jours. Il va se les payer, cette bande d'inconscients. Quand ils vont comprendre leur erreur, qu'ils n'auraient pas du se mettre en travers de son chemin, aussi tortueux déjà soit-il, ils vont partir. La réaction de Gonzague tout à l'heure l'en persuade. "Il serait incapable de gérer ce problème. Hors j'ai besoin de personnes sur lesquelles m'appuyer maintenant qu'on va basculer dans l'opérationnel. Je crois qu'il est l'heure de remanier un peu l'équipe". Cette pensée le réconforte : il avale le reste de son café, et ferme les yeux pour dormir quelques minutes, le sourire aux lèvres. <br />
<br />
* calimero est le petit poussin noir avec une coquille d’œuf sur la tête, qui passe son temps à soupirer "c'est trop injuste" et demeure pour nous, personnes nées dans les années 80, comme le symbole du persécuté paranoïaque.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-20386905992354094792011-06-21T19:13:00.001+02:002011-06-21T19:14:18.139+02:00Entertainment ! (5)Première nuit sur place : nous avons trouvé une vieille douche à l'étage et tout le monde fait la queue un par un. Je suis trop crevée pour me doucher: alors je me brosse les dents dans l'évier de la cuisine, avant de rejoindre Cécile qui a trouvé une combine pour monter sur le toit de la maison par une espèce de mini trappe tout à fait illégale et par une échelle non moins au norme. Mais bon, illégal pour illégal: pour l'instant, nous sommes chez nous et on fait le tour du propriétaire.<br />
Sur le toit, la vue est sublime : la rade de Marseille est toute illuminée. Il n'y a pas trop de bordel sur le vieux port, la nuit est calme, chaude. Assises côte à côte, nous contemplons ce paysage urbain tant aimé, parce que c'est finalement viscéral, d'aimer la ville, cet endroit, cette ligne chaotique qui mêle dans un désastre d'urbanisme le vieux fort Vauban, des résidences modernes de Pouillon, de vieilles bâtisses marseillaises délabrées, des mini maisons en béton poussées là sans doute grâce à la complaisance d'un élu un peu lâche sur les règlementations... tout ça au bord de la méditerranée qui se déroule en Z paresseusement autour de cette ville coupée en deux, au nord les pauvres, au sud les riches. Et qui compte bien rester comme ça. Et qui, et c'est le pire, continue de fonctionner comme ça. A cause de la mer, qui au final, réconcilie tout le monde, pauvres et riches, natifs et immigrés, autour d'un consensus solaire et apaisant, une grande chape de bien être qui engloutit les uns après les autres les problèmes bien au fond. Jusqu'au jour où...<br />
Cécile est hilare. Elle trouve ça génial cette idée, elle est trop contente de signifier le blocage. Elle flippe aussi pour ses subventions, en même temps, elles ont tellement baissé que sinon on se dit en rigolant qu'on va ouvrir un snack mexicain à la plaine, qu'on va faire fortune si ça se trouve. Elle n'a aucun contact avec 2013 en plus alors vraiment, elle trouve juste qu'on est bien chez eux, là, sur le toit, avec un verre de rosé frais (tant pis je me rebrosserai les dents plus tard). On se plaint de nos chargés de mission rendus frileux par leurs élus incultes, même quand pleins de bonne volonté; des subventions en retard d'année en année (essayez de faire fonctionner une boite avec 3 salariés et seulement 4 clients qui payent tous les ans avec de plus en plus de retard!!), les changements de stratégie de dernière minute, les placements de copains, souvent blancs, hétérosexuels et quinquagénaires, aux postes où il faudrait enfin que ça bouge un peu, au jeu de chaise musicale des directeurs de FRACs et de CRAC, de l'impossibilité pour nous de faire carrière en France quand on a pas fait le patrimoine, de l'impossibilité de devenir titulaire en école d'art quand on est pas maître de conf, enfin, de l'impossibilité tout court de se projeter un peu, hors de la misère et de la lutte. Du manque de bon sens aussi, surtout.<br />
Ensuite on se retourne et on se tape des barres de rire en pensant à la ribambelle de nouveaux bâtiments aussi affreux les uns que les autres que les élus mégalos du coin (de droite comme de gauche) ont décidé de faire construire sur l'ancien port industriel à l'horizon 2013 : le MUCEM (délire gothique à la Riciotti) le nouveau FRAC (passe encore, c'est sûr qu'il fallait déménager) et notre préféré : le CEREM. Ahhhhh! Le CEREM. Sublime création en portafaux sur le vieux port, destinée à abriter de nombreux évènements mystérieux à la gloire de la région PACA et ses délices: certainement de grandes expositions photographiques marketées autour de thématiques provençales telles l'huile d'olive ou le savon de Marseille. Ne riez pas : je vois déjà les dibons immenses avec des gros plans de gouttes d'eau fraîches sur les olives appétissantes, avec quelques branches feuillues sur une nappe au motif de cigale. 70 millions d'euros quand même, le CEREM. Du coup, c'est vrai que quand je pense que la région n'a pas augmenté notre subvention de fonctionnement depuis 5 ans je comprends, il fallait économiser. Alors je savoure mon rosé et je me dis que je peux bien me payer une petite soirée avec vue aux frais de la collectivité. C'est vrai, après tout je paye quand même des impôts, merde.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-18092861747510108422011-06-20T14:54:00.003+02:002011-06-20T14:58:45.882+02:00Entertainment ! (4)La conférence de presse s'est bien passée. On a réussi à filtrer et à ne laisser rentrer que les journalistes invités : on se bousculait au portillon je dois dire, un peu mieux que d'habitude quand on peine à rassembler trois pelés pour nos soit-disant évènements fédérateurs qui de toute façon, effectués sans aucun soutien de la municipalité en terme de communication, n'ont aucune chance d'atteindre leur public potentiel. Tu m'étonnes, voilà le scoop : plusieurs centaines d' acteurs culturels régionaux se rebellent et occupent les locaux de Marseille Provence 2013, pour une durée indéterminée !! De type action directe, sans les mitraillettes. Parce que la maison diamantée ne désemplit pas. La municipalité a finalement décidé de ne pas envoyer les flics, parce que nous avons appelé tous nos contacts au ministère et ailleurs pour les prévenir et que, conseillée, celle-ci a compris que résoudre ce genre de conflit à la syrienne n'aiderait pas leurs affaires à quelques mois des municipales. Heureux calendrier politicien ! Et il y a les présidentielles aussi bientôt. Quel bonheur d'être enfin inscrits sur la liste des urgences à traiter après tant de mépris ou d'indifférence de la part de la majorité des décideurs locaux.<br />
Je ne m'étendrais pas sur la liste des revendications élaborées par le comité insurrectionnel constitué par les acteurs participant au mouvement : bien sûr, un maintien des montants des subventions de l'état, mais aussi locales, de soutien à la culture; une vraie politique d'emplois culturels (plus d'emplois aidés !); une injonction au ministère d'organiser lui même la collecte de mécénat au niveau national pour compléter ses fonds, et non l'imposer à des acteurs qui n'en ont souvent pas les moyens; une vraie politique de formation des élus aux enjeux de la culture au niveau tant local que national: etc. On a aussi rajouté des petits trucs marrants de type refonte totale de l'Institut Français et de sa politique d'aide aux artistes à l'international, réflexion sur un statut d'artiste plasticien "intermittent", instruction obligatoire de l'histoire des arts à raison de 2h par semaine à partir du collège, obligation pour les municipalités qui ont des locaux vides depuis plus de deux ans de les mettre à disposition des association par baux précaires, j'en passe et des meilleures... juste pour le plaisir d'inventer et d'être force de proposition... et montrer qu'on est pas là juste pour râler, qu'on a aussi des idées et qui ne sont pas forcément liées à l'argent. Qu'avec un peu de bonne volonté et d'idées, et d'une meilleure collaboration, on pourrait faire quelque chose. On ne sait pas si le message est passé. Mon portable commence à sonner assez régulièrement : je reçois des messages de soutien de toute part (ça n'oblige pas à se mouiller plus que ça cela dit). J'espère que les journaliste parisiens vont s'y mettre aussi demain : il se trouve que cette action fait écho de façon douloureuse aux coupes hollandaises, qui voit le budget dédié aux arts visuels là bas baisser de plus de 40%, en perte sèche. On sait que ça va bientôt arriver ici aussi, mais en attendant, on a décidé de protester. Et de faire chier, bien faire chier, une fois au moins. Arrêter d'être dans cette attente complaisante qui définit notre attitude auprès des politiques et des décideurs, cette attitude de larbin sympathique et disponible, quand 2013 a essayé de nous faire avaler des couleuvres aussi absurdes que "on vous donne ce budget pour ce projet si vous promettez de ne plus jamais solliciter la structure pour aucun autre projet". Et encore, s'ils étaient les seuls. Ils ne sont que le reflet dystopique du système culturel en général, créé comme un contre-pouvoir maîtrisé et pitoyable, ennemi fantôche d'un état qui justifie son oligarchie déguisée en démocratie par la soi disant "liberté d'expression" dont nous savons tous qu'elle n'est qu'une illusion, confinée à la sphère du "spectacle" si bien décrit par nos amis situationnistes avant l'heure, dont nous sommes les contestataires complaisants et aigris. Le politique s'est dissout depuis longtemps dans l'"Entertainment". Comme les ouvriers des usines de collants, de voitures et de cocottes-minute, nous voilà à occuper les lieux de pouvoir pour faire entendre notre précarité et notre refus de faire partie d'un système qui nous fait croire que les règles qu'il nous impose sont nos propres règles et les seules possibles. Je pense d'un point de vue personnel que cette occupation ne mènera à rien. Elle nous laissera encore plus exsangue, encore plus désabusés : mais ne rien faire, c'est être complice. Et la duplicité n'est plus supportable, le dégoût de nous même est devenu trop fort : et le besoin de dignité à surmonté la peur de perdre son emploi (merdique). De toute façon, d'emploi précaire en emploi précaire, la majorité d'entre nous ici n'a rien à perdre. Alors, pourquoi pas juste se poser une fois en grain de sable dans la grosse machine, juste pour quelques jours, quelques semaines, quelques mois? Aujourd'hui, dire merde a la forme de ce gros campement qui enfle d'heure en heure, de ces matelas et de ces duvets qui s'empilent dans les couloirs de la maison diamantée, de cette odeur de café et de clope persistante dans les open space, du brouhaha incessant des claviers d'ordi et de téléphone qui twittent aux 4 coins du globe pour annoncer la nouvelle, des conversations téléphoniques qui donnent des conseils pour l'absence, parce qu'on ne sait pas combien de temps ça va durer, tout ça.<br />
Un coup de fil de Rebecca : la direction de 2013, n'est pas contente du tout (je m'en serais doutée). Ils étaient tous à Paris pour une grosse réunion (je le savais aussi, c'est comme ça qu'on a choisi la date), et là, ils sont encore en réunion, d'urgence cette fois ci, au ministère. Ils vont redescendre demain matin pour essayer de parlementer.<br />
Ok, je lui dis. On va bien se marrer.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-18586740162087874192011-06-18T00:16:00.000+02:002011-06-18T00:16:41.869+02:00Entertainment ! (3)Avec Cécile et quelques autres on discute dans la cuisine, en train de faire du café, beaucoup de café. Bon, en tout cas ça fait plaisir, tout le monde fume. Je tire même avec soulagement sur un pétard qu'un anxieux zêlé à décider de rouler inconsciemment alors qu'il est à peine dix heures du matin. Mais ça va m'aider à me concentrer. Ca y est c'est à peine lancé et déjà on doute. En même temps, c'est trop énorme, ce qu'on est en train de faire. On est obligé d'inventer, et de se poser un peu des questions. Certains pensent qu'il faut quand même faire les dossiers de subventions, que si on les fait pas, ils vont encore utiliser ça contre nous, pour profiter pour sabrer ceux qui se seront vraiment investis dans la contestation, pour les punir. D'autres disent que c'est absurde, que si on est là à gueuler contre le système et à dénoncer son irrationalité, et qu'on a décidé d'une grève générale de visibilité, c'est complètement idiot de continuer à jouer le jeu et de poser les dossiers. Ceux là disent qu'il faudrait inciter tout le monde à ne pas les poser. En même temps, tout le monde a bien sûr peur de n'être pas tant que ça à ne pas le faire, et donc à se faire bananer au final. Je dis que je suppose que ce sont des décisions à prendre avec les salariés et les bureaux des associations. D'autres sont plutôt pour une politique de franc tireur, de type, ceux qui sont là sont là, et ceux qui veulent rester au bureau pour garder la maison et bien ils font ce qui veulent. Ou alors les gens se répartissent les rôles. En même temps c'est pas le tout, il faut qu'on se magne d'écrire ce communiqué de presse, qu'on lance la grosse réunion d'organisation du campement, qu'on définisse des règles de sécurité. On se regarde : on a tous peur de la police, même si on a l'impression d'être des pacifistes et que de plus le fait d'être dans un bâtiment on se dit qu'on va pas se faire tabasser comme les jeunes à Barcelone. On peut pourtant voir sur nos visages que ça nous fait flipper quand même : c'est pas comme si le cultureux de base avait hyper foi en la police en général, et surtout la police française... Enfin. Je pense que tout le monde souhaite ne pas y penser, alors on se disperse en groupes de travail avec notre café.<br />
Je rentre dans le bureau du directeur, et je referme la porte derrière moi. Il y a des étagères, avec quelques bouquins : beaucoup de dossiers : il y a des projets que je connais. Juste le dock de son ordinateur, il doit avoir un portable, il n'est pas là bien sûr. Je m'assieds dans son fauteuil. Je mets les pieds sur la table. J'ai fermé la porte et je savoure les quelques minutes de répit social que l'isolement m'apporte. Je tente de réfléchir au communiqué : peine perdue. De plus, il faut qu'on fasse les mini groupes de travail pour le contenu parce qu'en fait je me rends compte que ce débat est bien plus large que la raison première qui m'a infuriée et incitée à lancer ce mouvement délirant, à savoir la fin des contrats aidés. Ce n'est pas qu'une bataille : ce pourrait bien être le début d'une guerre.<br />
Mais je me sens plutôt alerte : j'ouvre la fenêtre et je regarde en bas. De loin, je vois Rebecca qui s'apprête à mettre son casque, près de son scooter. Je la reconnais à sa masse de cheveux bruns et bouclés. Elle tourne la tête, lève les yeux et me voit. Je lui fais un petit signe : elle me regarde gravement, elle a un sourire un peu gêné, mais ses yeux ne sont pas gênés, ils sont plutôt d'accord, comme pour me dire un peu qu'elle comprend ; peut être même, qu'elle viendrait, si elle pouvait. Mais elle ne peut pas. Pas encore. Elle mets son casque, enfourche son scooter, et s'éloigne sur la place.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-82813565792628338562011-06-16T11:19:00.000+02:002011-06-16T11:19:06.555+02:00Entertainment ! (2)Je me penche par la fenetre du dernier étage : dehors, des gens continuent à arriver. Je fais signe à quelques amis qui arrivent au pas de course, les bras chargés de matériel divers. J'espère en mon fort intérieur qu'ils vont continuer à arriver, qu'ils ne vont pas être en retard : à un moment, ça va être difficile de rentrer. Plus tard, si on arrive à installer un vrai "piquet" de grève, alors là oui, on pourra circuler, aller chercher de la nourriture, se ravitailler, éventuellement faire de petites missions à gauche à droite : mais pour l'instant le moment est décisif, il faut être assez pour pouvoir résister à une expulsion, alors je me réjouis du flot inninterrompu de gens qui se massent pour rentrer dans le bâtiment, je me dis, on est peut être une grosse centaine, peut être même plus, ce serait bien qu'il y en ait encore quelques autres.<br />
Derrière moi dans la salle, ça s'organise tant bien que mal. Beaucoup envoient des textos, des messages FB, twittent, pour faire circuler la nouvelle. Autant au début il a fallu éviter les réseaux sociaux pour ne pas se faire griller, autant maintenant, c'est parti ! Il faut venir ! Rejoignez nous tous, c'est maintenant qu'on peut faire quelque chose pour dire qu'on est pas d'accord et qu'on se laissera pas faire, qu'on veut au moins attirer l'attention de l'opinion sur ce système injuste et absurde, enfin en tout cas, montrer qu'on souhaite affirmer physiquement un désaccord, puisque quelque part, la parole ne signifie plus, elle ne fait que rajouter des couches conceptuelles supérieures, comme dit Francesco Masci, "on ne répond plus à des livres subversifs par des bûchers, mais par d'autres livres et des débats à la télévision". Seule l'occupation des corps, symboliquement, occuper l'espace de la domination, là où elle se fabrique, s'engendre, me paraît être une réponse aujourd'hui à l'absurdité qui m'entoure. Seule cette absolue présence dans ce lieu, avec ces gens, me réconforte, me tient éveillée. Je décide d'allumer une cigarette, de la fumer au balcon. Encore une règle stupide, que je décide de briser maintenant, au point où j'en suis. Je sais que dans quelques minutes il va falloir commencer à s'organiser et je repense aux propos de Coupat sur les communes et je me demande ce qu'il penserait de tout ça.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-49040663314138962272011-06-15T01:45:00.000+02:002011-06-15T01:45:01.055+02:00Entertainment ! *<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">Vendredi matin, à 9h, on se donne tous rendez vous devant la maison. J'ai parlé à plein de personnes : je ne sais pas qui va venir, et j'espère qu'on sera assez nombreux. On va tous arriver devant la maison, à pied, en bus, en vélo. En tram, en moto, en caisse. Avec des sacs ; de la bouffe ; des vêtements supplémentaires; des jeux de cartes, des ordinateurs et des chargeurs ; des bouquins, des sacs de couchages, des matelas gonflables, des oreillers; du gel douche, du papier toilette, des litres de coca light et du café moulu. A 9h15 précises, on rentre dans la maison. On va passer en groupe, quelques uns d'abord, et la standardiste va un peu gueuler, demander qui nous sommes, si on a rendez vous, et on va se retourner, lui expliquer gentiment, qu'on est pas tout seuls, et elle va se retourner et voir que effectivement nous sommes nombreux derrière le petit groupe d'éclaireurs, alors la, elle ne sait plus quoi faire, elle décide d'appeler la sécurité, mais il n'est pas là le vigile, trop tôt, alors elle appelle dans les bureaux, au hasard, pour faire quelque chose, debout derrière son comptoir, d'un air affolé. Pendant ce temps certains ont pris les escaliers et l'ascenseur arrive : on monte dedans. Les gens montent dans les étages et on commence à entendre quelques cris et paroles un peu fortes : nous sortons de l'ascenseur au dernier étage et nous nous répandons au milieu des open space, sous le regard interloqué des employés encore rares à cette heure ci, qui tentent de discuter, mais nous n'avons rien à dire, ni en bien ni en invectives, nous nous installons silencieusement, c'est tout, nous occupons l'espace, nous comportons un peu en propriétaires, même si respectueusement, c'est pacifique, notre avancée; bientôt discuter c'est trop compliqué, nous expliquons que si les gens veulent sortir, c'est maintenant, pas de souci, s'ils veulent rester, c'est avec nous qu'en tout cas pas question de travailler c'est une guerre de blocage, l'idée c'est d'enrayer la machine, de stopper la continuelle suite d'évènements : la production.</div><div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">*: du titre de l'excellent livre publié en 2011par Francesco Masci aux éditions allia</div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-17367777180368113262011-05-16T12:18:00.000+02:002011-05-16T12:18:37.299+02:00Qui a peur du milieu culturel marseillais?Ce week end s'est déroulé le deuxième Printemps de l'Art Contemporain à Marseille dans la liesse artistique pour les uns, et l'indifférence générale pour les autres. En effet, on a pu encore une fois constater que l'évènement semble ne s'inscrire ni sur l'agenda des acteurs nationaux et internationaux, ni sur celui des décideurs et entrepreneurs locaux. Si pour la première catégorie, des explications rationnelles se dessinent qui n'interfèrent en rien avec la qualité globale de l'évènement (de l'avis général), pour la deuxième, cela témoigne en revanche d'un mépris de la classe entrepreunariale et politique pour qui les acteurs de l'art restent livrés en pature à des opérations de communication douteuses, récupérées dans le cadre de l'enthousiasme obligatoire envers Marseille 2013 capitale culturelle européenne.<br />
Pour preuve j'en veux la soirée à la chambre de commerce vendredi soir. Cette soirée avait pour but "de mettre en contact acteurs de l'art et monde de l'entreprise". Objectif louable qui faisait suite à une journée de tables rondes autour du sujet du mécénat et de l'art contemporain, avec une brochette d'intervenants plutôt bien choisie (si certains n'ont effectivement rien appris à ces tables rondes, d'autres font quand même état de vraies questions posées, enfin pour qui souhaiterait s'initier à ces questions). Mais arrivés à la chambre de commerce, surprise. Je ne m'étendrais déjà pas sur l'habitude prise de demander aux artistes d'occuper "gratuitement" un espace à des fins évènementielles, contrainte contournée par Marseille expos et Botox, l'association niçoise invitée à grapiller un peu de "visibilité" lors de la soirée par la présentation d'une vidéo et d'une installation mise en place avec des moyens réduits mais efficace dans le grand hall vide de la CCI. Il est bon de rappeler qu'aucunes des structures de Marseille expos n'avait cru bon de s'exciter à proposer quelque chose, les conditions financières de l'occupation de ce hall étant inexistantes (on pourra me rétorquer que la CCI a défrayé les interventions du colloque dans la journée : ils semblent donc considérer que parler dans une table ronde mérite d'être rémunéré, pour intervenir artistiquement non : drôle de logique en soi mais passons).<br />
Donc nous arrivons à la CCIMP. La soirée est reléguée dans le salon du premier étage : ok, le cadre est assez sympathique, bien qu'on se rende compte qu'il ne s'agit en aucun cas de la grand messe de la soirée "artissima" fer de lance de la publicité artistique de la CCIMP qui se déroule elle dans le grand hall avec moult champagne et discours auto promotionnels de multiples personnalités invitées à dérouler leur amour pour la culture en général et l'art contemporain en particulier. Mais je m'éloigne du sujet. Donc dans cette soirée : aucun entrepreneur, aucun chef d'entreprise, aucun élu (ou presque). Démarrée à 21 heures 30, il est servi des petits fours sucrés en direct, une façon de rappeler qu'on est pas là pour bouffer gratos et sans doute une façon polie de mettre un stop aux vélléïtés de pique assiette bien connues des acteurs du monde culturel local. Il est interdit de sortir sur le balcon de la CCIMP pour fumer (comme il se passe dans les cocktails normaux), un videur agressif défend l'accès à cet espace, je manque d'ailleurs de m'emplâtrer avec un qui refuse à une amie qui a un coup de chaud de se tenir devant la porte (cela manque de déraper). Conséquence de quoi, tout le monde se retrouve en grappe au rdc à fumer des cigarettes devant l'entrée, ce qui donne encore une fois une image bien prestigieuse de ce genre de manifestation : un attroupement de plus de personnes assises par terre sur la canebière à boire du vin et à fumer des clopes. On comprend en même temps assez vite que ce cocktail est une concession, un alibi : tout est mis en scène pour pousser les quelques malheureux qui auraient voulu passer une soirée sympathique entre professionnels vers la sortie, et c'est d'ailleurs réussi, à minuit il n'y a plus personne, les mécréants ont dégagé la sortie, de membres de la CCIMP on n'a vu personne en revanche on a bien rencontré le service d'ordre bien à cheval sur les horaires et la "sécurité".<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"></div>Quand on pense aux évènements et autres soirées d'autres rendez vous culturels qui se souhaitent de stature "internationale" tels la biennale de lyon ou le printemps de septembre, qui sont conçus et soutenus par les élus et les entrepreneurs locaux avec une débauche de moyens exceptionnels et dérisoires par rapport au nombre de cocktails annuels liés à l'animation usuelle des CCI, on voit bien le chemin qui reste à parcourir à la CCIMP pour être à la hauteur de son ambition démesurée de grand mécène des arts sur la région. La soirée de vendredi soir était exemplaire à ce stade: une sauterie "bien assez bonne pour eux" organisée à la va vite, boudée par les organisateurs même, dans une ambiance coercitive où tout est fait pour faire sentir aux invités qu'ils "ne le valent pas bien".<br />
On l'a bien compris : les mécènes d'aujourd'hui et la CCIMP et ses membres n'y font pas exception, souhaitent maintenant organiser leurs propres contenus et évènements. Fini la confiance et l'accompagnement des acteurs : désormais les évènements et contenus doivent être impulsés par eux car le risque est trop grand de voir les financements ne pas atteindre leur vrai but : assurer une com d'enfer aux généreux donateurs, avec moult professions de foi dévotes envers les grand mécènes, logos surdimensionnés, remises de prix en tout genre, et surtout, productions labellisées "x" ou "y". Une bonne logique de marque : pourquoi s'associer à une marque existante alors qu'on peut créer sa propre marque? les mécènes du sud l'ont bien compris notamment, en devenant dorénavant les producteurs en direct et les diffuseurs des artistes qu'ils souhaitent soutenir, au détriment des structures qui portaient les projets précédemment. Ils pensent certainement qu'après tout produire et diffuser de l'art cela ne doit pas être vraiment différent du commerce traditionnel, et en cela ils ont raison, toute une catégories d’œuvres aujourd'hui semblent pouvoir s'insérer directement dans le flux mercantile de cette façon, sans pensée, sans réseau, sans inscription à l'international. Directement du producteur (l'artiste) au bénéficiaire (un public d'entrepreneurs autosatisfaits qui ont enfin un truc à raconter dans la presse sur le vivre ensemble, puisqu'ils restent dans l'ensemble muet sur d'autres sujets sociaux un peu plus polémiques).<br />
En fait, c'était peut être mûrement réfléchi, cette soirée à la CCIMP : nous faire comprendre que nous autres, producteurs culturels, nous sommes ringards, nous n'avons rien compris à la nouvelle donne artistique libérale, alors ils nous ont gratifiés gentiment d'un cocktail troisième âge, pour qu'on comprenne bien qu'on est dépassés, qu'à minuit au lieu de continuer la conversation à bâtons rompus on ferait bien de rentrer se coucher, prêt à travailler demain pour soutenir des artistes qu'ils pourront ensuite repérer et produire en direct, vite fait mal fait, et mettre en vitrine sur tous leurs supports de com (ils ont des chargés de com au moins, eux). Et pour les fêtes réussies, j'irai à Venise. Je leur demanderais bien de venir pour voir mais je pense qu'ils ne savent même pas qu'il y a une biennale là bas.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-50210751609877414982010-11-29T23:22:00.001+01:002010-11-30T16:19:22.885+01:00Cher Castello,tu pourrais quand même arrêter de faire des expos temporaires aussi décevantes (même si celle de novembre dernier était super). Mince: de ta part, j'attends quand même autre chose. Je veux dire, tu es quand même un des plus grands musées d'art contemporain du monde. Un des plus anciens. On rêve tous, nous les curateurs, de devenir un jour directrice ou directeur du Castello. Alors si c'est pour nous montrer des expositions pareilles je te jure ça me fiche le moral en l'air.<br />
Enfin. Je vais tenter d'exposer les raisons de mon courroux, et démontrer qu'au final, et bien, j'en ai quand même tiré quelque chose (optimisme, optimisme, quand tu nous tiens).<br />
<br />
L'exposition d'Adam Carr, où devrais je dire, l'exposition exposition (hu hu), qui s'intitule donc Exhibition, exhibition, commence déjà par un statement bien prétentieux, même si à vrai dire je n'en suis jamais à ça prêt. Mais écoutez donc ça (je cite):<br />
"Exhibition Exhibition is an exhibition that sets out to reflect on the roles of perception and interpretation in the experience of viewing both works of art and art exhibitions, revising the ways in which we commonly view them".<br />
Je m'interroge sur ce "nous": je pense tout d'abord que Carr ne souhaite s'adresser qu'à des professionnels puisque nous sommes dès le début dans une métapensée sur le format exposition qui est en soit assez <i>déjà vue</i> (jusqu'à deux expositions simultanées sur ce même pitch à marseille à la rentrée dernière) et à la limite du réac (arg! pour un curateur de 29 ans, que va t'il se demander à 70 ?). Ce discours me semble écarter d'emblée tout spectateur qui n'en serait qu'à la première étape, à savoir venir au musée pour voir des œuvres, sans avoir à se demander en plus pourquoi il les voit et comment. Après je suppose qu'en tant que professionnelle également je devrais trouver ces questions légitimes mais non, ça ne tilte pas. Surtout quand on m'explique que l'exposition va "réviser la façon dont (je vois) les expositions d'habitude": personne ne sait comment je vois les expositions, et puis toujours cette même prétention à faire changer le regard du spectateur, cela dénote une envie démiurgique et mégalomane profonde de contrôle qui me donne des frissons dans le dos.<br />
Mais je vais sans doute un peu loin.<br />
Plus loin, le statement devient confus: il me semble qu'Adam Carr s'est trompé, qu'il voulait faire deux expositions différentes: une exposition sur l'exposition donc, s'il y tient, et une exposition sur le double (bon les deux archi fait et refait, mais je suppose que c'est la combinaison des deux qui est censée être nouvelle, et puis je ne m'étendrai pas sur le concept de nouveauté, c'est encore un autre sujet). Et surtout, il enchaîne une suite de banalités sur l'art en général, autour de cette idée de symétrie. C'est un peu didactique, peut être pour rattraper le mépris du spectateur contenu dans le premier paragraphe? Le pauvre, s'il nous avait suivi jusque là, il doit être perdu.<br />
Je ne vais en fait pas m'étendre plus sur ce statement tant il me navre. Le paragraphe sur la difficulté des espaces me navre; la banalité du display comme <i>problem solver</i> me navre; le truc du jeu des 7 erreurs me navre; le dernier paragraphe, par sa naïveté autoritaire, par son hypocrisie à parler du spectateur comme un acteur crucial du processus après l'avoir traité comme un sage puis comme un ignorant me navre. Je ne comprends pas pourquoi la déception doit être la justification de l'abandon de toute tentative de réaliser des expositions qui parlent de l'extérieur et pas de notre sempiternel petit monde de l'art et ses problématiques mi idéalistes mi réactionnaires, privilégiés que nous sommes dans nos mégalopoles européennes gavées de bières, de jolies filles et de vernissages.<br />
<br />
Mais donc je vais la faire courte.<br />
Je suis une professionnelle. Super. Je rentre donc dans l'exposition: je lis le statement qui m'énerve. Je commence à regarder les pièces et et l'accrochage est tellement alambiqué et les cartels tellement longs et pompeux et illisibles que j'arrête de les lire au tiers de l'expo, dégoûtée. Pas grave en même temps, je connais les trois quarts des pièces (merci taschen). J'arrête donc de lire les cartels, et finis l'expo au pas de course, furieuse.<br />
<br />
Comme j'avais commencé par l'exposition temporaire, je me retrouve dans les collections permanentes. Je n'ai plus la force de lire aucune PLV, moi qui suis d'habitude (et oui je l'avoue) plutôt bonne élève en ce qui concerne la prose des curateurs zélés et leurs assistants (dont j'ai fait partie dans le passé). Du coup, je traverse les salles en rêvassant, mais en me concentrant vraiment sur les pièces. Je ne regarde même pas les cartels des œuvres dont je ne connais pas l'artiste: plus envie, et puis ça me distrait des pièces elles mêmes, superbement installées dans ce lieu quand même impressionnant, et je remarque des petits clins d'oeil dans l'accrochage, des jeux avec l'architecture que j'avais manqués la dernière fois, les yeux rivés sur ces maudits cartels. Je me sens un peu chez moi. Je déambule dans les pièces, reviens sur mes pas, m'assied par terre, attends un peu trop longtemps la boucle d'un Viola et du coup la rate au dernier moment, trop impatiente. J'ai les yeux grands ouverts, je suis bien réveillée, alors qu'il est six heures du soir, qu'il fait nuit et plutôt froid. Je reste dans les salles jusqu'à la dernière minute. Dehors mes assistantes m'attendaient: je suppose qu'elles, elles avaient zappé ces cartels énervants depuis longtemps, avec une fraîcheur légitime.<br />
<br />
Tout ça pour dire: si je vois encore une exposition sur l'exposition, je... Je pense passer mon temps à questionner ce format, qui est à la fois si familier, si confortable, et en même temps si artificiel et construit selon des normes historiques tout à fait contestables, mais je pense avoir la pudeur (ou l'intelligence) de garder ces questionnements à la fois cruciaux mais inhérents à ma pratique (une pratique qui je le rappelle devrait selon moi tendre à une certaine invisibilité), et de les incorporer à mes expositions d'une façon sous jacente, bien présente, mais n'éclipsant jamais les œuvres des artistes elles-mêmes. Car où sont les œuvres dans l'exposition de Carr? Elles sont encore une fois une litanie de personnages connus, elles ne fonctionnement plus que comme les fantômes d'elles-mêmes, comme des rappels à leurs propres invocations: elles sont des symboles devenus d'autres symboles.<br />
Dès lors, la question demeure: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-43339332344873182732010-11-09T00:04:00.000+01:002010-11-09T00:04:43.514+01:00Late email to my editor in chiefde: dorothée dupuis <dorothee.dupuis@gmail.com></dorothee.dupuis@gmail.com><br />
à: xxx <xxx@xxx.com></xxx@xxx.com><br />
date: <span class="gI">23 octobre 2010 00:56</span><br />
<span class="gI">objet: </span><span class="gI">Re: on its way </span><span class="gI"> </span><br />
<br />
dear <span class="il">X</span>,<br />
<br />
well well, i am pretty inspired, hum, i wanted to check with the number of words<br />
you said 1000 word, I am affraid i am on 2000 because this whole story with video is really getting somewhere on a social level, i mean i think it's very important to explain the strong responsabilities of those films and images and i am not getting sensitive about the riots taking place right now in france or may be a little but art is political or not?<br />
we cant keep making biennials and so on bearing such phony titles if we dont wet our shirts a bit, trying to explain why art is really trying to change things and not just being some clever subtitles for uptowners !<br />
(I guess chris sharp didnt tell you I am a dangerous feminist activist, now it's too late :D !!!)<br />
Non, bon, i exagerate, but not that much. <br />
I just read coco fusco's intro of her catalogue "only skin deep" and it's just so right, i cant say anything else.<br />
but i am trying!<br />
the videos i think are quite good, all in their different styles. At least, they very tell you something about right now, and it's already that. So much art keeps it quiet right now, it's like a pupil hidden in the back of the classroom hoping that the teacher wont pick him for review. Some of them are even polemical, at least i hope, i will try to explain why i think there could even exist something polemical in the artworld nowadays, where the last notable scandal is Robert Storr exhibiting only painting in the last venice biennial ! scary huh? if someone even pay attention.<br />
Well dear X<span class="il"></span>, dont take me for a reactionnary, because enthusiasm coupled with fair anger are often nowadays mistaken for that. We dont know each other well, but I thought I owed you some thoughts about this paper i am writing, because it's your newspaper, and i guess you must be happy that your contributors have intellectual exchanges with you on some matters. I hope you're not drop dead stuck in post modernism, where everything is equally pleasurable or painful, and that art still makes you ache, or infuries you, or makes you happy for the day or even longer. <br />
You dont have to answer me a whole bunch.<br />
Just tell me for the 2000 words, i promess i stick to it.<br />
And despite this current scary english, i guess i can give you an english version by sunday, a english friend of mine can help!<br />
Have a nice week end!<br />
Best,<br />
DorothéeDorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-91864264919565425102010-08-17T15:56:00.001+02:002010-08-17T15:59:23.324+02:00Gasiorowski, artiste d'artiste<div style="text-align: justify;">Mardi dernier j'ai été à Nîmes voir l'exposition Gasiorowski qui s'annonçait comme une des chouettes expositions de l'été (avec celle de Claude Levêque dont je parlerai peut être plus tard, bien qu'il n'y ait finalement pas grand chose à en dire, à part qu'elle est un peu légère). </div><div style="text-align: justify;">Et bien, ce n'est pas faux, même si nous avons accueilli l'exposition au final (nous étions trois amis) avec une certaine réserve.</div><div style="text-align: justify;">Bien sûr cela fait toujours plaisir de se retrouver face à un large corpus d'œuvres qui permet de saisir dans toute sa cohérence une démarche singulière. La première chose qu'on peut remarquer c'est qu'en fin de compte, Gasiorowski n'a pas énormément produit (dû aussi à son décès précoce à l'âge de 56 ans, soit environ vingt cinq ans de production). Beaucoup de pièces m'étaient déjà connues, notamment celles des séries les plus notoires qui recommencent à être présentées ces dernières années avec l'engouement pour les vieux artistes qui revient à la mode (cherchons nos racines, est l'injonction la plus classique en temps de crise). Ainsi on avait pu voir le grand ensemble de la guerre en 2007 à l'exposition <i>Airs de Paris</i> à Beaubourg ou les travaux de l'Académie Worosis Kiga à la Villa Arson aussi 2007, ainsi que quelques belles toiles à l'exposition <i>le Chemin de Peinture</i> au MAMAC de Nice en 2009. </div><div style="text-align: justify;">Les autres œuvres présentées (à part l'ensemble des <i>Paysans</i> somme toute assez drolatique) font alors plutôt partie soit de séries précoces de l'artiste (<i>les Approches</i>, à la technique et la graphie surprenantes), ou alors font partie de recherches plus ponctuelles et plus traditionnelles (sur le pictural, sur la notion d'héritage artistique, sur des thèmes comme l'esquisse, l'autoportrait) et ont au final plutôt l'air de recherches que d'œuvres véritablement finies. Encadrées avec soin et rassemblées en séries, elles accèdent à un statut très muséal, qui contraste pour certaines avec leur nature éthérée, car Gasiorowski semblait très attiré par les supports et les matériaux pauvres, cauchemars des conservateurs. On ne pourra ainsi pas s'empêcher de remarquer que le <i>grand ensemble de la guerre</i> se racornit et rétrécit à chaque monstration, les petits éléments de carton le constituant subissant à chaque installation des outrages de plus en plus irréparables (Michel Enrici raconte d'ailleurs que pour installer l'œuvre, Gasiorowski se contentait de viser le socle puis de jeter les élements de façon éparse: au final, cette dégradation programmée reste alors dans la logique des choses). Je me demande dans quelle mesure Gasiorowski avait conscience de la précarité que les matériaux utilisés impulsaient de fragilité à la future postérité de sa pratique, et j'aurais tendance à penser que cette démarche était d'un certain côté volontaire. </div><div style="text-align: justify;">Ce qui m'amène à une question plus globale. Le travail de Gasiorowski fournit des indications remarquables et anticipatrices notamment sur tous les liens entre peinture, représentation, narration et fiction : un grand nombre d'artistes contemporains reprennent à leur compte ces notions de communautés fictives. Cette approche du travail de l'artiste est évidemment à rapprocher des thèses d'un Hal Foster sur la position de l'artiste comme anthropologue, un artiste donc plus préoccupé à observer et à ordonnancer le monde qu'à le produire (l'artiste comme producteur) notion Benjaminienne un peu marxiste et aujourd'hui (toujours selon Foster) dépassée. En cela, la rétrospective fonctionne bien car elle permet de mettre en lumière cet aspect précurseur du travail, et affirme Gasiorowski comme un artiste français qui n'a peut-être pas eu l'attention qu'il méritait justement en raison de son attachement à des méthodologies visant à déstabiliser la catégorie peinture, à la faire vaciller de sa position statique encore en vogue en France et en Europe à l'époque, et finalement plutôt à rapprocher de tentatives conceptuelles d'artistes américains ou allemands comme Guy de Cointet (le côté <i>props</i>) ou Blinky Palermo (peinture performative), connivences intellectuelles dont l'exposition ne dit mot (peut être n'était ce pas son propos...).</div><div style="text-align: justify;">Ainsi la tentative avouée des deux commissaires d'affirmer, à grands coup d'encadrement de mini pièces en carton foutraques et de références à une grande Histoire de la peinture malgré la défiance affichée de l'artiste pour celle-ci, l'appartenance de Gasiorowski au grand rouleau compresseur de la postérité (ils n'hésitent pas à le qualifier dans la préface d'un des "peintres les plus importants de son temps", en gras s'il vous plaît), me paraît un peu autoritaire et pose encore une fois de plus la question de l'instrumentalisation des œuvres et des artistes. Il me semble que Gasiorowski, par l'incongruité et le côté visionnaire de son projet, ainsi que par la relative modestie de sa production globale, ainsi que son caractère précaire, ne prétendait pas s'affilier à la grande peinture. Certainement mégalomane et prétentieux comme le sont tous les grands artistes, il me semble notamment par certains récits biographiques qu'il était un personnage bougon et irrascible, peu enclin à s'affilier à une histoire de l'art qu'il semblait rejeter et je ne sais ce qu'il penserait de cette rétrospective aux vitrines bien propres pour encadrer les déjections qu'il destinait sans doute à choquer le public bien pensant des galeries et des musées. A toutes fins je classerai donc plutôt Gasiorowski au panthéon des "artistes d'artistes", souvent écartés de la grande histoire de l'art avec un grand H, mais en revanche présent au cœur de ceux qui font l'art, qui font circuler les découvertes et les petits coups d'éclat sous le manteau, qui sont à même de s'extasier sur les petits gestes, les mini maquettes, les gribouillages sur cartes postales, les <i>private jokes</i> liées à des motifs, des disques, des textes, issus d'une <i>subculture</i> contemporaine mais oh combien présente dans le faire épistémique d'une génération d'artistes. Le présenter ainsi, comme une personnalité foutraque, un peu isolée, atypique, visionnaire bien que non attachée à la forme, en phase avec son temps et son époque d'une façon un peu dilletante, eut peut-être plus rendu justice à l'artiste que la grande rétrospective réifiante qui est proposée ici au Carré d'Art. On aurait aimé un peu plus d'ironie dans le commentaire, une façon un peu plus légère de présenter le projet de l'artiste, dont le caustique transparait sous les explications pompeuses.</div><div style="text-align: justify;">Cher lecteur, vous allez maintenant croire que je n'ai pas aimé du tout cette exposition, alors qu'en fait elle reste d'un point de vue scientifique assez bien conçue, et permet de découvrir dans son ensemble le travail de l'artiste pour ceux qui ne le connaîtraient pas. En revanche, cette dissonance, ce paradoxe de la rétrospéctive muséifiante à un artiste originellement plutôt “outsider” n'a pas échappée à mes deux amis visiteurs, qui ont vraiment apprécié certains passages mais n'ont pas compris l'accent appuyé mis sur l'importance de l'artiste. L'anecdotique leur est apparu comme une caractéristique saine et essentielle de la pratique, contrariée par la rigueur des présentations. Ils ont ainsi perçu la contradiction entre la légèreté du propos de l'artiste et la prétention des metteurs en scène, et en ont ressenti une certaine gêne, bien qu'un certain optimisme au vu des ratages et des incertitudes de cet artiste atypique et léger dans ses choix parfois diamétralement opposés et assez libre dans ses tentatives et productions. En tant qu'artistes donc, ils ont réussi à percevoir la liberté sourdant sous les vitrines, et c'est une belle échappée que réalise encore l'artiste, un ultime pied de nez irrévérencieux, plus de vingt cinq ans après sa mort. Quelle plus belle démonstration de la force brute du travail? De l'amant éternel de Kiga l'insaisissable, on n'en attendait pas moins.</div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-17954480494763316602009-05-14T00:28:00.002+02:002009-05-14T01:59:31.633+02:00La Triennale de la Tate, Wallinger et le gros cheval<div style="text-align: justify;">Je me suis rendue à Londres le mois dernier par curiosité, pour voir la Tate Triennale avant qu'elle ne finisse. J'avoue avoir été un peu frustrée d'art ces derniers mois, paradoxalement, préparant une exposition qui a nécéssité beaucoup de temps et d'énergie de ma part, ainsi que d'importantes recherches et a suscité pour moi beaucoup d'interrogations intellectuelles sur le principe même de cette exposition ainsi que sur le format exposition en général.<br />C'est donc une fois le vernissage terminé que je décide de partir en voyage, me changer les idées, confronter l'activité obsessionnelle de ces derniers mois avec le monde, avec d'autres idées.<br />J'avais été très intriguée par le statement de Bourriaud à propos de son exposition à la Tate. Je ne voyais pas vraiment où il voulait en venir. Je trouvais la proposition synthétique, pas vraiment réfutable, sinon extraordinaire, en tout cas je me demandais à quoi pouvait bien ressembler une exposition dont le statement se voulait si laconique. Comme s'il était pour une fois une invitation à ne pas parler, à ne pas discuter, à laisser parler les oeuvres pour elles mêmes. Je me disais qu'il y a avait peut être une surprise quelque part, un truc. J'avais soif de quelque chose, et ma soif demandait à être apaisée.<br />Le séjour m'apaisa effectivement, mais pas à cause de la Triennale. Je m'y rendis sur mes gardes, préparée par les remarques de nombreux locaux rencontrés le jour précédent, Remarques peu enthousiastes par ailleurs, voire courroucées. C'est sûr que la réputation de Bourriaud et sa position de français n'incitaient pas les anglais, de caractère plutôt critique par nature, ironic comme ils le disent, à l'indulgence. Je suppose qu'ils projetèrent sur l'exposition une sorte de première couche de mépris un peu nationaliste, du genre "le mec de l'esthétique relationnelle qui vient nous filer des leçons". Dès lors on peu comprendre que Bourriaud ne se soit pas trop mouillé devant l'hostilité initiale conçue à l'égard du projet. De fait, le laconique du statement même peut a posteriori passer pour une tactique de défense, plutôt efficace. Du coup, au lieu de passer les intentions du commissaire au crible de la critique (un peu plus vivante qu'en france, quand même), la scène professionnelle dut sans doute se résoudre à voir l'exposition pour en discuter, ce qui n'est déjà pas si mal.<br />Et l'exposition n'est d'ailleurs pas si mal. Il y a de vraiment belles pièces, et il n'y a quasimment que de bons artistes (au pire quelques erreurs dans les choix de pièces, pas toujours réussies, mais encore, quelle marge a le commissaire sur le travail que souhaitent présenter les artistes dans une manifestation de ce genre et vice versa?). Je retiendrais l'installation magnifique du hall, signée Mark Newson, ainsi que la pièce de Simon Starling avec les bureaux; l'installation de Peter Coffin, vraiment witty à souhait, ainsi que l'installation vidéo mélancolique, assez étonnante quoique d'une simplicité à la limite du documentaire de Navin Rawanchaikul.<br />Ce qu'on déplore alors c'est juste cette omniprésence du white cube, du spectaculaire; du bien produit. Ce qui agace c'est cette aisance polie des artistes, sûrs de leur intérêt, de l'importance de leur discours, de la prépondérance de cette vision là du monde qu'ils proposent. Une sorte d'"artocentrisme", qui mettrait l'artiste dans la position du narrateur de l'histoire, l'homme ordinaire qui deviendrait dieu pour reprendre une idée explicitée par Michel de Certeau dans "l'invention du quotidien" où il parle de Freud et la tentation de l'universalisme (et n'est ce pas cela que nous suggère Bourriaud? n'évoque t'il pas malgré lui et de façon irrévoquable avec son concept d'"altermodern" cette quête éternelle des artistes de l'universalité, de l'espéranto esthétique, qui, en faisant tout le monde enfin se comprendre, rend les différences intolérables, affirme la nécéssité d'un point de vue unique, et tant pis si ceux qui dépassent...y passent?). J'en déduisais : la faute certainement au format biennale/triennale, puisque comme je l'écrivais précédemment Daniel Birnbaum aussi s'était confronté avec difficulté à ce format lors de la dernière Turin Triennale.<br />C'était donc à une révision des classiques que Bourriaud nous conviait. Le top 30 des artistes en vue, comme d'hab. Pas de passion...pas de frisson.<br />Alors, quand je suis allée voir l'exposition de Mark Walllinger à the Hayward, que j'ai monté les escaliers et que j'ai embrassé la première partie de l'exposition du regard, j'ai senti que j'y étais, que l'exposition qui allait m'émouvoir, me toucher, c'était celle ci, The Russian Linesman.<br />Mark Wallinger évoque dans ses intentions vis à vis de l'exposition des notions similaires à celles que convoque Bourriaud pour son exposition à la Tate: le constat d'une confrontation à une époque, une histoire commune. Mais plutôt que de prendre cette histoire commune comme un fait indéniable, et, disons le, un peu paralysant, Wallinger décide au contraire d'évoquer l'arbitraire des contextes et des situations qui ont donné l'histoire telle que nous la connaissons, telle qu'elle nous est racontée, restituée, et réaffirme si tant est que certains en aient jamais douté le rôle de l'art comme un moyen d'affûter ces moments, cette conscience de l'imprévisible, du relatif, et pas pour s'en dédouaner, mais plutôt pour en faire une force motrice, génératrice de liberté de pensée...et d'action (j'ai eu d'ailleurs une conversation il y a quelques jours sur le "gros cheval" de Wallinger, ce projet de sculpture hyperréaliste monumentale dans la campagne anglaise que l'artiste s'apprête à réaliser, si les fonds destinés à le réaliser ne se sont pas totalement évaporés du fait de la crise financière, qui a dégénéré en fou rire d'une bonne vingtaine de minutes, pleurs compris. En effet, nous nous sommes retrouvés dans un état d'hilarité exubérante au moment où l'idée de l'existence même de ce cheval dans le réel quelque part, la simplicité, la factualité de ce fait là nous est clairement apparu. Quelqu'un dans le monde avait décidé qu'il ferait ici la sculpture d'un énorme cheval, et cette personne avait réussi à convaincre assez de monde et mobilisé assez de moyens pour réaliser une chose aussi absurde! Et en même temps, il se passe tant de choses absurdes dans le monde chaque minute, chaque seconde...Mais le gros cheval, c'était vraiment too much, ça faisait tellement de bien juste d'y penser, de se convaincre de son existence, de se prélasser dans ce possible...) (j'ai d'ailleurs conscience d'être obsédée par cette conscience aigue du faire dans la pratique de nombreux artistes. C'est une notion sur laquelle je serais amenée à revenir)<br />Aussi, j'ai pu mettre le doigt sur quelque chose qui m'avait inconsciemment gênée dans l'exposition de la Tate: le rapport aux oeuvres antérieures de l'histoire de l'art. L'autosuffisance affirmée des oeuvres d'art contemporaines. A la Tate, la triennale se trouvait isolée des autres galeries, comme un membre mort, figé. C'est en revoyant furtivement la vision d'un long couloir de la collection permanente de la Tate Britain en quittant la Triennale, que je saisis plus avant l'intelligence de la proposition de Wallinger, sa finesse, son érudition, surtout, son envie de tirer le public vers le haut, de considérer certains pans de sa culture comme acquis, de s'en servir comme tuteurs pour accéder à d'autres découvertes, à conserver le plaisir de la connaissance, de la curiosité, de l'ignorance comme moteur du désir d'apprendre, de vivre. Sans le mépris intellectuel de ceux qui soit disant "savent".<br />La générosité d'un artiste donc. On ne peut s'empêcher d'aimer tout particulièrement les expositions d'artistes commissaires ces derniers temps. Fischli & Weiss, Wallinger, Rondinone, Parreno, Tiravanija... les artistes semblent les plus à même en ce moment de proposer de nouveaux formats d'exposition, de questionner ses buts, ses modalités d'existence. Commissaires d'exposition de tous les pays, wake up! Vous pourriez bien vous rendormir pour les trois prochaines années...<br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-54879619310840916742009-01-29T22:40:00.002+01:002009-01-29T22:50:38.516+01:00Le cas Claire Fontaine<div style="text-align: justify;"><span style="font-style: italic;">(suite à la visite de l'exposition en janvier chez Chantal Crousel, mais à propos de leur pratique en général)</span><br /><br />En critiquant le monde de l'art Claire Fontaine a certainement raison. Je ne vois pas pourquoi le conformisme ambiant épargnerait ce système qui fonctionne malgré tout de façon exemplaire sur le modèle du grand capital. Maintenant, c'est justement l'endroit d'où se place Claire Fontaine pour dire cela, qui est problématique. Il est clair que Claire Fontaine diffuse sa pensée dans ces mêmes réseaux qu'elle critique comme affaiblis et retirés des vraies subjectivités. C'est très paradoxal. Dans un sens, Claire Fontaine a pris la décision d'opérer dans ce champ. Elle doit considérer par conséquent qu'il est le plus à même de réceptionner son discours et sa production. En même temps, elle émet un discours qui critique ouvertement ce champ et le dépeint comme exemplaire de pathologies qu'elle décrit continuellement (il y a un côté très "docteur", une envie de diagnostic, que partage Claire Fontaine avec son grand frère Damian Hirst). Claire Fontaine prétend soigner notre grippe en ouvrant tout grand les fenêtres. Elle entend sans doute tenter un électrochoc salutaire, sur le corps intellectuel postmoderne moribond qu'est l'Europe post-mur. Gifler des évanouis, c'est une belle leçon d'humanisme que nous livre là Claire Fontaine.<br />Mais il me faut encore me passer d'ironie. Elle est facile, et témoigne d'une aigreur personnelle, subjective, que je ne souhaite pas invoquer car il me faut utiliser les mêmes outils "objectifs" que Claire Fontaine, rester dans cette littéralité visqueuse.<br />Ce qui est glaçant donc, c'est que Claire Fontaine décide de l'échec programmé de sa campagne (puisque que d'un côté je ne sais comment l'appeler autrement, le dictionnaire dit "opération programmée de communication commerciale ou politique", et dans le cas de Claire Fontaine c'est même les deux à la fois?) puisque lancée au sein d'une classe insensible par nature au message même.<br />C'est pervers, et ceux qui s'en rendent compte n'ont aucun moyen de réagir à ces provocations. Or ne pas réagir c'est accepter. Claire Fontaine nous coince alors avec son concept de "grève humaine" (les sociologues pensent même que environ 25% du personnel en france, public et privé confondus, mène des grèves personnelles, arrêts maladies, vol de matériel, surf sur internet, absentéisme...).<br />C'est une logique qui utilise des représentations sociales simplifiées sur le modèle du collège: traiter un petit camarade de ton lycée du 8e arrondissement de "fils de bourge". C'est une tautologie. Elle révolte parce que, "il n'y a que la vérité qui blesse". Au fait, pourquoi alors évite t'on de dire la vérité? Pour faire en sorte que les choses "avancent", que le cours des choses ne soit pas "bloqué" par une mauvaise nouvelle, une contrariété, des subjectivités antagonistes qui "paralysent" l'action... le mensonge semble dénoncé par Claire Fontaine comme un moyen trop facile de dissimuler la réalité du flux de la vie (qui doit continuer coûte que coûte)... Devant la vérité qui blesse, quel comportement adopter? changer? mais en a t-on les moyens? Claire Fontaine semble affirmer que non.<br />En revanche, Claire Fontaine semble affirmer que nous pourrions au moins ne pas vivre dans le mensonge. Claire Fontaine semble exiger une certaine transparence, et je pense que c'est en cela qu'elle essaye de diluer cette position d'auteur, qui me semble pourtant encore dans de rares cas certes (mais en même temps combien de génies ont émergé des masses de créateurs de toutes les époques tombés dans l'oubli?) pertinentes. Dès lors sa fascination certaine (un peu midinette, à tendance lyrique, et c'est la seule petite concession à l'ancienne préoccupation en art du "style" que fait Claire Fontaine) pour les expériences collectives et leurs acteurs dessine une frustration assumée et rageuse, qui conduit parfois aux expositions à la limite de l'autodafé, de l'automutilation, que produit par moment le collectif. C'est une vision autodestructrice de la civilisation, un moment de nihilisme, où tout discours peut cohabiter avec un autre, où voisinent fascisme et créolité mis au même plan. Les chutes successives des conceptions bipolaires de l'histoire tout au long du XXe siècle, ont conduit à un aplatissement du réel, pour reprendre leurs mots à "un affaiblissement des subjectivités". Ce que Claire Fontaine redoute d'entendre en retour c'est le mot de "souveraineté". Elle sait quelles puissances ravageuses ce mot déchaîne dans l'autre monde, celui de ceux qui peuvent, où elle pourrait agir, lancer des balles de tennis et fistfucker de belles terroristes dépressives. Alors elle préfère faire comme le coiffeur du roi Midas, elle court très loin chez Chantal Crousel, elle creuse un trou et elle crie: Please god make tomorrow better.<br />Faire des héros de ces gens là ne me paraît pas justifié dans ce cas. Cela est un signe que déjà trop de choses ont été oubliées. Les expositions de Claire Fontaine sont peut-être alors comme les poussées d'acné actuelles de l'extrême droite, comme l'étaient celles de l'extrême gauche en son temps (au détail prêt que Claire Fontaine ne peut tout de même pas se payer le luxe de se revendiquer d'extrême droite au sein du monde de l'art, cela lui fermerait trop d'audience): des signes bizarres, des frémissements d'écorce terrestre: c'est Daladier qui revient en France après Munich en 1938 et qui, salué par le peuple, siffle entre ses dents:"ah les cons! s'ils savaient" (les "pauv'cons" actuels ont tout de même des contextes moins tragiques). C'est un substrat d'impuissance politique démagogique. Et tout cela est servi avec moult textes théoriques imparables faisant appel à tout l'arsenal subjectif de la French Theory, dans un rabâchage permanent de la théorie du spectacle, qui a eu le flair empirique, à l'opposé de beaucoup de théories politiques du xxe siècle, de théoriser le système réel et pas d'inventer une théorie nouvelle et abstraite sur laquelle on essaye de plaquer le fonctionnement réel du système existant. Dès lors c'est le dernier qui a parlé qui a raison. Claire Fontaine ne propose pas d'alternative. L'esthétique est politique. Les formes sont polluées. Les mots aussi,<br /><span style="font-style: italic;">"parce que les mots ont été vidés de sens par le pouvoir, parce qu’en démocratie certes on peut s’exprimer mais dans des conditions qui rendent l’écoute impossible et le sens de ce qu’on dit dérisoire." </span>(mots extraits d'un texte de l'artiste)<br />Dommage que l'exposition n'ait pas duré jusqu'à la fashion week, ça aurait fait facilement perdre 1kg de cervelle aux mannequins du quartier en pause déjeuner.<br />Bon, je vous laisse, l'ironie revient. Et je ne suis pas sûr que ce soit ma plus grande force, ci celle de qui que ce soit en général.<br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-45436587637243513562008-12-06T12:48:00.002+01:002008-12-06T12:52:51.197+01:00Ce bon vieux Jeff<div style="text-align: justify;">Il m'est très difficile de restituer les impressions éprouvées devant l'exposition Koons à Versailles. Il y avait longtemps que je ne m'étais rendue au château: je devais avoir 12 ou 13 ans tout au plus la dernière fois. Dimanche dernier, sur le moment, j'éprouvais de vive sensations. Les restituer ici, dans mon environnement habituel, fonctionnel, où le pratique prend le pas sur l'apparat, le prestige social, me semble un effort de mémoire insurmontable. Versailles saisit dans ce qu'il déplace instantanément dans une autre époque, dans un autre ordre établi. Un monde, une société, où chaque objet a son importance, sa signification. Une conception à la fois codée et littérale de la notion de "représentation". Des tabourets jusqu'aux rideaux en passant par les boîtes à bijoux, les lits, les oeuvres d'art accrochées au mur, jusqu'à la vue sur le parc, tout doit inspirer la grandeur, la richesse, une sorte d'"avant-garde" (dans le sens de: le meilleur). Tout est travaillé, retravaillé: même les choses simples (les dallages magnifiques; les boiseries étonnantes) se doivent de faire sentir le poids du soin que l'artisan leur aura donné jalousement et par des heures de travail. Les couvre-lits en arrivent à ce titre à se hisser au niveau des toiles de Vigée-Lebrun par exemple, dans une homogénéité quantitative assez remarquable, pour ne pas dire surprenante. À Versailles, un tabouret équivaut finalement à une toile de maître: l'ensemble, le poids de la fonction tient le tout, donne à toute chose un statut d'égalité. Assez post-moderne sans le savoir, finalement!<br />Alors donc qu'on pouvait avoir peur que les oeuvres de Koons ne dépareillent dans un tel environnement, c'est justement cette déhiérarchisation par le "high" à l'excès (idée sous jacente: dans la maison du roi, tout doit être sublime) qui fait que l'exposition, justement, fonctionne. Notamment, le côté "artisanal" qui a pu faire hurler certains défenseurs du "geste artistique" à propos de l'oeuvre de Koons, prend ici tout son sens. Le soin apporté à la réalisation des oeuvres, leur sporadique spectacularité, la façon désinvolte de parcourir toute la gamme des matériaux sculpturaux (du marbre à l'aluminium en passant par le bois peint) s'accorde en tous points à l'esprit de Versailles, sans parler des sujets représentés qui sont au final d'un classicisme, qui bien que malicieux, n'en reste pas moins attaché et de façon au final plutôt respectueuse à une certaine tradition (natures mortes (<span style="font-style: italic;">Lobster</span>), autoportrait <span style="font-style: italic;">(Self-Portrait</span>), représentation de monarque (<span style="font-style: italic;">Louis XIV</span>), allégorie (<span style="font-style: italic;">Ushering in Banality</span>), saynètes (<span style="font-style: italic;">Bear and Policemen</span>), ornement décoratif (<span style="font-style: italic;">Moon</span>). Seules certaines oeuvres, s'émancipant justement trop de cette filiation classique, déservent l'ensemble et pourraient même aller jusqu'à faire douter le spectateur lambda de la pertinence de l'exposition elle-même (je pense aux <span style="font-style: italic;">New Hoover Convertible</span>1 et à <span style="font-style: italic;">Chainlink Fence</span>, pièce que j'adore en temps normal, mais dont le placement ici m'a fait tressauter en voyant le regard soudain consterné des visiteurs la découvrant en fin de parcours: soudain alarmés, à la "m'aurait on berné?", alors que l'oeuvre fait juste appel à d'autres référents, d'autres histoires, inconnues cette fois ci du grand public... je maudissais l'artiste et les commissaires qui, sur la fin, "se tiraient une balle dans le pied" comme on dit vulgairement).<br />Dans l'ensemble donc, une réussite. Et, trivialement, une façon de faire redécouvrir Versailles aux amateurs d'ultra contemporain dont je fais partie, qui ont l'art de négliger leurs classiques. Bouh!<br /><br />1 Récemment alors que nous parlions de l'exposition un ami m'a fait remarquer le caractère totalement misogyne de l'association des <span style="font-style: italic;">New Hoover Convertible</span> avec les portraits de Marie Antoinette avec ses enfants posant en parfaite mère de famille! Je ne peux m'empêcher de penser que ce doit être ce cynique de Jeff Koons lui-même qui a du orchestrer ce rapprochement dont la cruauté un peu mièvre saute désormais aux yeux de la parfaite suffragette que je suis...</div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-82880477168160441902008-11-10T02:20:00.002+01:002008-11-10T02:34:28.055+01:00Post-Fiac's post<div style="text-align: justify;">Au moment de me décider à mettre des mots sur cette semaine passée à Paris pour la FIAC et autres activités, je m'aperçois qu'aucune oeuvre ne se détache aussi particulièrement de ma mémoire que les toiles de Jonathan Lasker présentes sur différents stands (au moins deux). Impossible cependant de les décrire plus particulièrement: ce n'était rien d'autre que des Lasker, avec leur lot habituel de couleurs <span style="font-style: italic;">flashies</span>, primaires, d'empâtements et de "bien peint", leur format fier et leurs motifs mi crabouillés mi psychédéliques se détachant crânement sur les murs blancs et le fouillis de la foire.<br />M'interroger sur le grand vide qui entoure cette perception persistance, obsessionnelle des Lasker à la FIAC, ne se veut pas un jugement métaphorique déguisé sur une hypothétique mauvaise qualité de celle-ci. Car dans l'ensemble, il me semble, et comme pour la plupart des visiteurs avec qui j'ai eu l'occasion de m'entretenir, professionnels comme amateurs, que la foire faisait plaisir à regarder, il y avait des expositions de pièces énormes d'artistes majeurs dans tous les coins, l'éphémère plus beau musée du monde, ici chez nous au cœur de Paris. Un <span style="font-style: italic;">melting pot</span> de goûts, de sensibilités, de centres d'intérêts, de façons de voir l'art. Une véritable affirmation de l'existence à part entière d'une catégorie de monstration qui serait le "stand de foire". Je pense que quoi qu'en disent beaucoup de personnes les foires sont devenues des expositions avec un mode d'emploi un peu particulier, aussi bien pour les artistes que pour les galeristes, les organisateurs, les spectateurs, les professionnels. C'est aussi une sorte de moment grisant où la présence des oeuvres vous euphorise, rend tout possible. Je pense que cette excitation vient véritablement de la présence des oeuvres: ce serait hypocrite de penser que le cadre somptueux du Grand Palais n'y est pas pour quelque chose, mais par exemple on peut aussi ressentir cela à Frieze qui n'est abritée que par un basique chapiteau. Les artistes le savent: ils sont accolés par la force des choses à une démonstration de pouvoir dans les foires. Prise de pouvoir qu'ils savent s'effectuer dans de très mauvaises conditions: mais c'est le jeu. Même pour les artistes qui n'ont qu'une toute petite pièce c'est un acte de résistance, les cadres se crispent à sur les cimaises, ils semblent tous espérer dans un mélange de nonchalance et d'extrême tension l'attention d'abord éphémère puis potentiellement confirmée d'un acheteur ou d'un décideur quelconque.<br />Bon je risque de disserter longtemps sur le format foire qui nécessite certainement beaucoup de développements, donc je m'arrête et je repense à ma semaine à Paris.<br />J'ai raté: l'exposition du Prix Ricard, Colomer au Jeu de Paume, Mantegna au Louvre, Melik Ohanian au Plateau, le <span style="font-style: italic;">Futurisme</span> à Pompidou, <span style="font-style: italic;">Antidote</span> aux Galeries Lafayette...<br />L'exposition qui m'a quand même ravie, ce fut (attention au nom, tenez vous bien) <span style="font-style: italic;">Academia qui es tu</span>? une présentation d'oeuvres de la collection d'Axel Vervoort (il paraitrait que les oeuvres sont à vendre! en tout cas je n'ai pas vu de liste de prix :))<br />L'exposition est une sorte de collage assez <span style="font-style: italic;">punk</span> d'oeuvres très contemporaines (Orlan, Annette Messager, Hirushi Sugimoto, Tony Oursler, Hans-Peter Feldmann, Luc Tuymans, Anish Kapoor, Berlinde De Bruyckere...) avec des oeuvres modernes (Fontana, Picasso, Miro, Vasarely, Manzoni...) et tout un tas d'oeuvres beaucoup plus anciennes, certaines proches des <span style="font-style: italic;">Arts and Crafts</span> (de la poterie, des pierres de taille néolithiques), d'autres de l'illustration (Daumier) ou de la calligraphie. L'ensemble est présenté sur des grilles recouvrant carrément les bas-reliefs de la Chapelle des Beaux-Arts (effet collage vraiment réussi), joue avec l'espace et les statues monumentales s'y trouvant (gisants notamment). C'est dans la bibliothèque au fond que sont présentées les pièces les plus précieuses, dissimulées au milieu des livres comme de petits trésors, ambiance <span style="font-style: italic;">cabinet de curiosités</span>, d'ailleurs le livret de l'exposition joue de cela, il faut s'amuser à reconnaître les pièces d'une étagère, d'une page à l'autre. Il y a tant de pièces qu'on peut rester facilement deux heures à tout regarder par le menu, ce qui pour un espace somme toute pas immense donne une idée de la densité de l'accrochage (voulue, et qui lui réussit). Bien sûr tout est réuni par la subjectivité du collectionneur qui a lui même certainement hérité d'un certain nombre de pièces familiales et s'est certainement entouré de conseillers artistiques qui repèrent pour lui les meilleures pièces de chaque époque. C'est alors dans ses choix de pièces contemporaines que le personnalité de l'homme se fait sentir. Un choix qui semblerait indiquer que le collectionneur est avant tout attiré par le sensible, la matière, le vernaculaire, l'<span style="font-style: italic;">uncanny</span>, en gros, beaucoup de thématiques liées à la civilisation, à la perception des grands cycles comme la mort, la transformation de la matière, sa perennité ou sa disparition (je pense notamment à des artistes comme Orlan, Jean-Luc Moulène, Robert Filliou, Gabriel Orozco, Berlinde De Bruyckere, Anish Kapoor, Bill Viola, Tony Oursler...) ce qui se retrouve bien sûr dans l'intérêt pour des artistes plus anciens comme Manzoni ou Bellmer.<br />En tout cas, je suis sortie toute heureuse de toutes ces choses intriguantes, belles ou morbides que j'avais vues dans cette exposition et je trépignais de cette muséographie inventive (quoique bien sûr empruntant à des formats déjà utilisés et en soi, ne comportant rien de nouveau), me demandant alors pourquoi nous autres commissaires d'exposition contemporain rechignons si souvent à ce genre d'accrochages sous couvert de respect de l'oeuvre et de son espace de monstration (ce qui conduit souvent à des expositions vides ou des oeuvres tentent désesperement de couvrir des espaces gigantesques ou l'on est sensés "respirer").<br />Certainement le fait de négocier les conditions de monstration avec des artistes vivants est une première bonne raison (c'est bien connu, les artistes morts sont moins regardants avec les conditions d'exposition, quand ils n'ont pas d'héritiers tatillons). Mais ce n'est certainement pas la seule. Nous nous laissons enfermer dans des conservatismes à une vitesse infernale, et cette exposition est une sorte de petit coup de pied au derrière pour qui veut bien l'entendre. Je repensais alors au stands de la FIAC et je les trouvais bien moins conformistes maintenant, les collages surréalistes des oeuvres modernes, contemporaines, les tenues colorées des femmes sur détachant sur les peintures, les vidéos et les sculptures, tout se mélangeait dans un joyeux tourbillon formel qui me faisant ressentir les pièces différement, de façon plus simple, plus sensuelle.<br />Ce qui rejoint finalement quelques constations du début de ce post. La foire est somme toute un format plaisant et je préfère une bonne foire à une mauvaise exposition. Comme celle de Turin notamment dont je suis en train d'arpenter les stands ces jours ci...mais c'est une autre histoire.<br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-55816339618978520662008-09-21T20:30:00.003+02:002008-09-21T20:43:03.256+02:00Les années 90 sont bien finies...<div style="text-align: justify;">...du moins en ai-je eu l'impression à la visite de l'exposition de Douglas Gordon à la collection Lambert hier après-midi. L'exposition est certes très bien scénographiée, élégante, tragique mais tout en restant badine, et pourtant, une impression de lassitude, à la limite de l'ennui, se dégage de l'ensemble. C'est une espèce de mélancolie de l'<span style="font-style: italic;">artiste maudit</span>, de <span style="font-style: italic;">spleen</span> XXe siècle étiré, Beigbeder sans l'humour. Les références faciles aux <span style="font-style: italic;">vanités</span> deviennent la caricature d'une obsession des thématiques "fin de siècle". L'ensemble des phrases disséminées ça et là dans l'exposition donne un effet de sous-titrage réussi parfois, téléphoné parce que trop répétitif, malgré un soin attentif donné à la place des lettrages et aux typos, leurs tailles, leurs couleurs. Les tirages photographiques soignés à la taille imposante ne font pas oublier la banalité des sujets et de la qualité artistique des clichés (inintéressantes photos de bébé entre autres). Les ambiances colorées sont en revanche une belle réussite, donnant une tonalité insaisissable à l'ensemble du parcours au sein de la collection, de façon plus discrète, moins martelée, que le reste du show à qui on peut reprocher une globale littéralité.<br />Douglas Gordon a été une telle figure pour toute une récente génération d'artistes (de Clément Rodzielski en passant par Lars Laumann jusqu'à Benoît Maire) qu'il est difficile de tout remettre en cause ici je suppose. J'ai eu l'occasion de voir plusieurs œuvres de Gordon deci-delà, dans des expositions collectives, dans des livres, dans quelques lieux plus exigus (Le Deutsche Guggenheim à Berlin par exemple) mais je n'arrivais pas à me faire une idée claire de son travail pour autant. Au delà du cas de Gordon cette exposition démontre encore une fois que certains artistes ont réussi à franchir une étape dans le travail de médiation du travail par lui-même, à atteindre un certain niveau de lisibilité par le grand public. En revanche, passé l'impression satisfaisante de savoir-faire, c'est une sorte d'arrière goût décevant, l'impression qu'on a été le rouet d'un "truc". Et si Douglas Gordon avait compris le "truc"?<br />Il existe des "trucs" en art contemporain. C'est un peu naïf de l'affirmer, et pourtant, c'est vrai. Il m'a récemment suffi de me promener dans l'accrochage d'art américain du LACMA à Los Angeles, pour m'en convaincre encore une fois. La taille des pièces, le soin apporté aux réalisations, le savant mélange des couleurs, les références mesurées à la culture populaire et à certains éléments communautaires reconnaissables dans une polysémie de sens étudiée permettant des pièces lisibles tout en évitant le raccourci, autant d'indices des pratiques mûres, socialement constructives, rassembleuses (voir à ce sujet l'article de Kim West dans Frog de janvier 2008 qui met cette notion politico-critique sur la sellette à l'occasion de Documenta XII) . Parfois aussi, l'amour de l'art pour l'art, de la pièce pour la pièce, donne l'impression d'un non-sujet. Ce n'est pas parce que l'on fait référence de façon subtile à son époque et à ses préoccupations, que l'on en fait forcément une restitution "pertinente" à savoir artistiquement innovante, même si l'on est capable d'en réagencer les signes, de parler en gros le langage de la culture, de façon efficace. Bien sûr, on n'est jamais totalement en capacité de dire pourquoi Ed Ruscha ou Jeff Koons "marche" , ou ne "marche pas" cette fois-ci (bon ok, ils marchent la plupart du temps :)). Mais il est certain que ces codes d'une œuvre d'art réussie, que l'on s'efforce d'inculquer aux élèves d'école d'art de façon plus ou moins réussie, existent, et qu'on peut les repérer ou...noter que malgré leur présence, l'œuvre ne prend pas.<br />Dès lors ce qui me frappe dans l'exposition de Douglas Gordon, c'est ce fond consensuel dans lequel baignent toutes les pièces, rassemblant comme dans un bon manuel du parfait artiste du XXIe siècle matériaux industriels (plexiglas), phrases poétiques, <span style="font-style: italic;">found footage</span> judicieux, boucles vidéos devant tout à Nauman et consorts, animaux monumentaux et traitement "uncanny" des images du corps (photos brûlées, éléphants, tatouages...), ambiances colorées, sens de lecture complexe, savante manipulation du principe de série, de multiple; référence à l'autre, l'étranger, dans des allégories d'un politiquement correct agaçant à force de mesure (les charmeurs de serpent); évocation des grandes utopies artistiques historiques, du portrait à la vanité en passant par le paysage; soin tout particulier à la bande son, à la bande annonce et aux techniques cinématographiques dans leur ensemble jusqu'à l'utilisation policée de <span style="font-style: italic;">ready-mades</span>, petite célébration personnelle de son propre bon goût à la limite du kitsch, à savoir les affiches de cinéma de la collection privée de l'artiste.<br />Que de maniérisme! Merde! C'est un cliché d'érudition snob. Cette métaphysique creuse me désole. C'est un art qui ne sert à rien. Du moins pas en ce moment. Je veux bien concevoir que les années 80 aient été les années du <span style="font-style: italic;">bling bling</span>, de l'argent, de la réussite; que les années 90 par conséquent aient été une énorme gueule de bois et que l'aspirine de l'an 2000 commence à peine à dégager les brouillards menaçants qui continuaient de brouiller nos pensées et nos perspectives d'action sur le monde; mais justement, quand dans les années 2000 il semble se produire un sursaut, une véritable envie de relier l'art au monde, de sortir d'une position de neutralité valable mais un peu méprisante, c'est pour moi le moment de sauter sur autre chose, de se mouiller un peu. Alors le fait que cette exposition fonctionne comme une rétrospective excuse certainement ce côté très "nineties", tendance hyper-déprimée. Peut-être Douglas va t'il mieux, qu'il pense à d'autres œuvres. Qui adressent un peu plus le monde, et un peu moins son dos.<br /><span style="font-style: italic;">PS: en plus j'adore Douglas!!!!!!!!! j'ai travaillé avec lui en 2006 sur Zidane avec Parreno et il est trop chou. Faut il alors prendre ce post comme une sorte de déception personnelle? à vous d'en juger cher lecteur :)</span></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-18532985761440609822008-06-07T00:31:00.007+02:002008-07-01T19:57:01.466+02:00The Modern Things<div style="text-align: justify;">Hier je suis allée visiter l'atelier de Yann Gerstgerber, un jeune artiste marseillais qui fait de la sculpture (pas que, mais en ce moment il est quand même concentré là dessus).<br />Ses sculptures sont des espèces de grands assemblages colorés, tendance fluo psychédélique, collage 3D de pièces de mobilier, d'objets trouvés, de tapisserie, de moquette, de bouts de bois et de métal empruntés, à l'esthétique proche de l'objet tribal, totémique. Lui même est une espèce de sculpture vivante, avec des baskets en peluche tigrée, des lunettes de soleil rouge et jaunes, une petite crête en zigzag, un t shirt soigneusement élimé, au motif d'un banal presque suspect. Les sculptures sont à son échelle, celle du corps, elles semblent vouloir se faire plus grosses, plus rutilantes que ce qu'elles ne sont en réalité, s'étirer, se faire remarquer, prendre toute la place. Elles dardent de façon enthousiaste, presque agressive, les éléments épars et souvent reconnaissables qui les composent, formant des figures géométriques que la symétrie attire. Elles paraissent animées d'intentions propres; elles se comportent comme des manifestes naïfs, comme la rose du petit prince pointant de façon crâne ses cinq épines pour la défendre contre les tigres du monde. Naïf, tribal: le garçon s'avoue de lui même très attiré par l'art brut, celui d'Henri Darger notamment. On retrouve de façon amusante beaucoup de détails de l'oeuvre de Darger dans les sculptures de Yann, bien que de façon cryptée et complètement transformée, traduite dans son propre langage. Dans ses planches Darger raconte la façon dont il soutient un peuple d'enfants à résister à une armée de créatures mi-ange mi-démon les attaquant de nulle part. Cette spiritualité frontalement manichéenne est très prégnante dans l'œuvre de Darger, s'exprimant de façon très littérale. Dans les sculptures de Yann, cette spiritualité, cette aspiration à la morale, s'expriment à travers la forme du votif, de l'autel, de l'amulette, du talisman, en tant qu' objet spirituel qui porte à la contemplation, la prière, ou octroie protection. La tâche du créateur dans les deux cas serait de défendre un objet de pureté symbolique (les enfants pour Darger, le potentiel animique de chaque objet pour Yann) des attaques d'un environnement extérieur hostile (les adultes chez Dargeret, l'overdose visuelle contemporaine chez Yann?) et de tenter de protéger cet objet en le faisant passer du statut de simple symbole à celui d'œuvre (une BD, une sculpture). Ainsi l'obsession du créateur peut prendre son autonomie et commencer à s'exprimer de façon propre dans les purs domaines de l'esthétique et de l'art.<br />Quel est cet intérêt étrange pour les objets manufacturés que partagent nombre de jeunes artistes aujourd'hui (pour mon plus grand plaisir, je suis de cette génération que les objets enchantent pour leur potentialité à évoquer une vie propre, un univers autonome) ? L'objet devenant module, l'objet comme tautologie suprême : il n'est jamais que ce qu'il est simplement en tant que pure forme. Et c'est pour cette fonction première, d'avant l'usage, que l'objet est de nouveau utilisé dans le champ de l'art, dépassant même le ready-made (Yann dit d'ailleurs: "je déteste les ready-made" et en plus on se souvient en discutant que le premier ready-made était un ready-made arrangé, pour tout dire une sculpture puisque c'est la roue de vélo sur le tabouret!). C'est à dire que l'objet aurait une forme, une signification première, d'<span style="font-style: italic;">avant</span> le temps de l'usage, de la fonction. Cette sculpture cherche à faire appel à quelque chose de l'ordre du <span style="font-style: italic;">avant</span>, de l'<span style="font-style: italic;">idée</span> dans le sens platonicien du terme, du <span style="font-style: italic;">primitif</span>. Il y aurait donc quelque chose avant la forme? Quelque chose d'antérieur, libéré de toute connotation? C'est de ce fantasme que se repaît la sculpture de Yann Gerstgerber, Lili Reynaud, Daniel Dewar et Grégory Gicquel, comme autrefois (et encore maintenant!) celle de Bertrand Lavier, saint patron des précédents. La sculpture comme source, comme <span style="font-style: italic;">érection</span> première, originelle.<br /></div><div style="text-align: left;">Comme dit Björk:<br /></div><div style="text-align: center;">"the modern things have always existed<br />they've just been living<br />in a mountain<br />till the right moment"<br /><div style="text-align: justify;">Émettre l'hypothèse de l'existence d'une pré-société; d'un monde uniquement fait de formes; de la possibilité de l' a-social (l'absence de société): allo, Piet?<br />Je ne vais pas vous renvoyer au livre catalogue DCA pour lire l'excellent texte du commissariat (dont je suis co-auteure) sur le Syndrome de Broadway, mais je pense que ce post pourrait en être une des prolongations logiques.<br />À méditer devant un Gerstberger.<br /></div></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-37258424081688582562008-04-28T21:21:00.003+02:002008-04-28T21:49:11.887+02:00Freak show<div style="text-align: justify;">J'étais à Paris le week end dernier (plus ou moins) et j'ai été voir l'expo <span style="font-style: italic;">Freak Show</span> à la Monnaie de Paris. J'ai payé 6 euros et je ne suis pas sûre d'en avoir eu plus pour mon argent que si j'avais vu une vraie femme à barbe ou un nain unijambiste.<br />Déjà bon je connaissais la plupart des pièces (coucou le Lainé et le Patrick et Claude d'<span style="font-style: italic;">ITANOMTHUB</span>) mais en même temps je triche je suis commissaire d'exposition!! Ensuite le lieu est ingrat et magnifique en même temps, je crois que c'était mieux à Lyon, ça avait l'air de prendre plus d'ampleur, avec le papier peint aussi ça rendait quelque chose, là les pièces avaient l'air un peu en décomposition sur leur velours à l'allure déjà décrépie, mitée, avec les boiseries qui craquent et les grands gardiens blacks qui faisaient des remarques hilares sur les pièces (et nous qui payons pour les voir du même coup peut être était ce nous les Freaks!!) alors oui parfois il faut que l'art s'échappe du musée mais là je n'étais pas convaincue. Ça faisait un peu expo de design aussi (d'ailleurs pour me donner raison il y avait un Robert Stadler, le mec qui fait les nouveaux design de Moulinex). J'ai essayé de calculer aussi combien ils avaient dû gagner avec cette folle entrée à 6 euros et en comptant large 6 semaines d'expo à 6 jours par semaine, ça fait 36 jours, et en comptant bien large 50 visiteurs par jour ça fait 10800 euros donc ça payait le catalogue quand même (et encore) et je pense à Pécoil qui a monté sa société de production pour pouvoir manger parce qu'il disait que commissaire d'exposition indépendant ça ne payait pas (à une conférence au Plateau je crois?).<br />Bon, je pense vraiment que j'aurais dû voir celle de Lyon parce que là ça ne m'a vraiment pas excitée et comme ça fait des temps immémoriaux que je n'ai pas vu une exposition collective qui m'excite (peut être qu'Eric Troncy a raison, l'exposition collective est un format mort et re-mort)... ça me fait forcément douter sur la capacité que mes (nos) expositions collectives ont à exciter le public. Doute légitime. Quelle est la mission aujourd'hui d'une exposition collective, sinon celle d'un freak show, d'un assemblage de petits discours disparates réunis autour du fantasme globalisant d'un pauvre intellectuel onaniste qui croit proposer une vision du monde à l'heure où le monde entier en update des milliers (de visions) à la seconde, à la télé sur le web sur les rayonnages des buralistes et aux terrasses de café? Frédéric Wecker de art 21 écrivait dans le communiqué de presse du premier Major Fatal que la critique d'art était l'hybride curieux de la mauvaise littérature et de la mauvaise philosophie, de quels mauvais domaines de pensée l'exposition collective d'art contemporain se veut elle l'avatar monstrueux? Ce en quoi le Freak Show de Pécoil à la Monnaie me déplaît: il se rend, il se vautre dans ce que veux le public d'aujourd'hui en matière d'art contemporain, du basique et du spectaculaire à la fois: de beaux objets design bien produits, compréhensibles en un clin d'oeil, qui se dévoilent, brillants, policés, putassiers presque, ondulant vers l'amateur d'art avec les yeux de Ka (le serpent du livre de la jungle) revendiquant une complexité de façade pour un propos somme toute assez basique et pas effrayant pour deux ronds (après comme dans toute exposition collective le propos global peut être décevant avec malgré tout de bonnes pièces)... On peut louer cet effort de séduction envers le grand public, quand on sait que ce que commencent à collectionner en priorité les jeunes collectionneurs de nos jours c'est le design, mais cela m'interpelle juste: est il encore possible de faire une exposition collective enthousiasmante? Je laisse cette question ouverte et si vous avez récemment vu des expos collectives qui vous ont impressionnées... merci de laisser un commentaire sur ce post! Sur ce, je pars à la Biennale de Berlin mercredi, souhaitez moi bonne chance...<br />PS: et l'expo de Mike Kelley au Wiels à l'air vraiment super, pour moi qui l'ait traversée en une demie heure avant la fermeture, désespérée de ne pouvoir contempler plus longuement toutes les vidéos, toutes les pièces... mais devinez quoi: c'est une monographie :)<br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-57835568973058731642008-03-20T18:03:00.000+01:002008-03-20T18:04:16.568+01:00Les Majors Fatals<div style="text-align: justify;">Vendredi dernier j'ai assisté à la conférence de Frédéric Wicker et Cédric Schönewald de Art 21 à la Bo[a]te, et organisée par Astérides.<br />Hum... c'est intéressant: ils sont les représentants d'une sorte d'intellectualisme de style méta, c'est à dire que ce qu'ils aiment surtout dans l'art... c'est l'art. Ce qu'ils aiment dans les oeuvres en fait, c'est qu'elles "fassent" art. Les oeuvres qui ne questionnent pas leur propre nature d'oeuvre d'art les laissent quelque part de marbre. Bon, il y a quelques évasions à partir de cette trame mais du coup cela dérape souvent dans une sorte de narration un peu simple, avec l'idée que l'oeuvre n'existe que par une intention, une littéralité. Du coup elles perdent un peu de leur magie quand ils les racontent, ça ne fait pas rêver. La description de l'oeuvre de Franck et Olivier Turpin (celle où ils portent des casquettes reliées par leurs visières), est vraiment très factuelle, les comparaisons techniques sont un peu évidentes (c'est une chorégraphie) et du coup le récit devient assez...barbant. Alors que juste VOIR la vidéo suffit, il n'y a rien à dire de plus ni de moins de cette pièce: elle réalise idéalement lu but de l'art qui est d'exprimer un propos sans être discursif.<br />C'est qu'ils ont une certaine propension à être bavard à la place des oeuvres. Leurs goûts les portent finalement vers des oeuvres un peu muettes, parce qu'ils peuvent ainsi leur prêter d'incroyables intentions, toujours plus incarnées. Les oeuvres un peu trop "bavardes" formellement les effraient un peu parce qu'ils se sentent débordés par leurs sentiments, leurs pulsions. Ils se méfient un peu du "pop", quand ils disent d'un truc que c'est "wahrolien" ils le disent un peu comme les gens qui disent "Sarkozy, il est dangereux" avec un petit sourire très "tirez les leçons du XXe siècle".<br />Mais sinon, c'est très bien documenté (on sent qu'ils ont vraiment bossé), les références sont pertinentes et soulignent des similitudes d'intentions rafraîchissantes. Au risque d'enfoncer une porte ouverte on sent que les conférenciers sont plus à l'aise s'ils peuvent baser leurs élucubrations sur l'histoire de l'art récente et moins récente, que les petites histoires de la grande histoire de l'art et autres élevages de poussière sont pour eux autant de mythes fondateurs auxquels il est bon de s'achopper, qu'il est bon de sentir encore vivants. De là, et c'est selon moi la meilleure réussite de cette conférence, c'est qu'on sent chez ce duo un amour sincère des oeuvres, de l'art pour sa capacité à dire, à s'interroger, à mon avis nullement feinte. Il y a un vrai enthousiasme pour l'art allié à un certain sens du réalisme et la conscience que l'art a une vraie portée politique et pas seulement dans le sens romantique du terme. C'est assez rare de voir les deux conceptions cohabiter chez une même personne et à fortiori deux cela relève du miracle!<br />Ainsi je pense que malgré l'absence de discussion à la fin qui en a frustré plus d'un, ce fut une belle première pour Astérides, avec un public attentif resté malgré la durée, grâce à la qualité de la conférence.<br />Une tentative d'être incisif quitte à égratigner la scène locale en passant est une prise de risque qu'on saluera, ainsi qu'une impartialité journalistique envers leur hôte sont également à mettre au crédit de la sincérité de ces premiers "critiques". Cédrick Schönewald dit que d'autres rédacteurs d'art 21 qui mèneront les séances à venir ont d'autres points de vue encore différents, que le journal n'est pas du tout monolithique. On attend avec impatience la prochaine!<br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-40486087264206566622008-03-06T17:12:00.000+01:002008-03-06T17:13:23.445+01:00Heureusement que le 29 février n’existe que tous les quatre ans<div style="text-align: justify;">(sinon c’est trop déprimant)<br /><br />Enfin, je veux parler de CE 29 février, celui où je suis allée, pleine d’espoir, me masser avec mes confrères « cultureux » devant la préfecture pour manifester contre les coupes budgétaires.<br />Hum…manifester. C’est un bien grand mot : quelques échalas en bonnets arborant des pancartes faites main qui feraient rougir n’importe quel directeur artistique de la CFDT, des groupes de stagiaires en médiation culturelle qui sèchent les cours en fumant des clopes, apparemment (me dit un informateur plus au fait des figures de la scène marseillaise que moi) toute l’intelligentsia culturelle est là et je guette, parmi ces visages quelconques, la trace d’un charisme censé forcer les portes de la préfecture et défendre notre cause avec panache et brio.<br />Mais non. Les CRS nous contemplent avec une opacité que mes co-manifestants prennent pour de la bêtise, et que je prendrais pour du contentement de ne pas avoir à taper sur les producteurs culturels, que je suis sûre au final ils respectent et dont ils sont même, si ça se trouve, consommateurs des productions. Bref.<br />Bien évidemment, personne ne scande, il n’ y aucun orateur (personne n’ose prendre la parole, la notion de leadership a éte radiée du vocabulaire depuis bien longtemps), la manif’ s’étiole d’elle même dès lors qu’une bande de flics en farandole nous pousse doucement (il faut voir tout le monde rigoler niaisement) derrière une barrière et que certains qui en ont profité pour faire du RP tout auréolés de leur conscience politique bon marché s’éclipsent pour boire des bières à la brasserie hors de prix du coin avec leurs nouvelles conquêtes…<br />J’en viens au but de ce post : je ne comprends pas le manque de cohésion des cultureux lorsqu’il faut faire face à ce genre de revendications. En effet, je crois que finalement personne n’a été reçu par la préfecture et que donc nous n’avons pu faire passer aucune revendications, et encore, lesquelles étaient-ce à part ce cri un peu naïf et premier degré que « non à la coupe des subventions » ?<br />Un des (seuls) points intéressants du meeting culture de Guerini à la Friche le mois dernier était la présence de l’adjointe à la culture de Lyon et de celui de Barcelone. En effet, ce sont des témoins intéressants de comment la culture peut être prise en compte comme un facteur de développement important pour une ville de la taille de Marseille (et donc soumise à des problèmes de cohésion sociale et de prospérité économique disparates et difficiles à solutionner avec les curseurs habituels). La culture est en effet facile à manipuler au niveau local du fait de la diversité de son tissu et de la nature de ses activités (en termes d’emploi, de gentrification, d’occupation des quartiers, de mixité sociale, de travail des femmes, de médiation envers le public, d’accueil, de production de richesse économique et, last but not least ! de production intellectuelle). La culture aide de façon concrète à la prospérité d’une agglomération : Xavier de Grenouille me disait l’autre jour qu’ils ont prouvé qu’une manifestation comme le Festival d’Aix par exemple rapporte dix fois plus qu’il ne coûte à organiser !!! Nous avons alors eu un débat sur la communication autour de ce genre de détails : certains répugnent à les mettre en avant sous prétexte que la culture doit être considérée indépendamment de l’aspect financier, être prise comme la Culture avec un grand C, quelque chose d’abstrait, de sublime à laquelle il ne faudrait pas toucher pour des raisons uniquement symboliques. Mais il me semble que c’est une réflexion à PLEURER de naïveté. Si la culture doit être défendue, surtout auprès du gouvernement actuel, c’est sur la base du facteur de développement important qu’elle représente de façon factuelle pour toute agglomération et nation qui espère retrouver une balance économique stable dans le contexte de la désindustrialisation et la mondialisation des services !! La culture représente une activité locale absolument NON délocalisable, qui permet à des micro-économies de tourner en vase clos, de façon relativement indépendante par rapport aux fluctuations des marchés et de l’économie en général. Le fait qu’elle doive commencer à fonctionner en recherchant des budgets supplémentaires en dehors des aides de l’état est le résultat d’une conjonction historique qu’il ne s’agit en aucun cas de polariser en termes de bien et de mal, comme on l’a fait de façon irréversible avec la mondialisation (pour rappel : la mondialisation n’est ni bonne ni mauvaise, elle est simplement un FAIT). Les associations en sont conscientes, elles le font déjà de façon déjà bien structurée, et c’est de la démagogie pure ou de l’inconscience de croire que le système culturel français (et les autres !) vont pouvoir continuer à innover et à créer avec les seules aides de l’état. Tout cela pour la simple et bonne raison qu’à notre époque, les entités les plus riches ne sont plus les états mais les grandes fortunes issues du commerce et que donc c’est à elles de soutenir la culture en prenant une position morale, que les états doivent inciter comme avec la loi de finance 2003 qui est bien mais qui ne doit être qu’un DEBUT.<br />Dès lors, l’Etat doit donner l’exemple en continuant à soutenir de façon forte la culture en commençant par augmenter son budget général. On sait bien qu’en culture plus qu’ailleurs on est habitué à faire peu avec beaucoup, et l’on se prend à penser aux choses fabuleuses qui pourraient se passer si l’Etat Français augmentait la part du budget culture dans son budget global ne serait ce que de 1% !! Et de même pour les villes : Marseille dépense 8% pour la culture contre Lyon 20% . Avec les résultats que l’on connaît…et encore, Marseille je pense, n’en déplaise aux Lyonnais, a une plus belle réussite en termes de richesse du monde associatif (du moins au niveau de l’art contemporain, je parle pour ma paroisse) !<br />On demande alors comment se fait-il que personne dans le domaine de la culture ne se sente capable de porter cette parole porteuse d’espoir, de prêcher cette vérité économique pourtant indéniable ? Et bien, je pense que c’est par mauvaise conscience. Le monde de la culture vit encore sur une espèce de fond idéologique marxiste, et envisager que l’on puisse utiliser le capital pour faire prospérer la culture est une idée insoutenable pour certains gardiens de l’orthodoxie culturelle ! Mais qu’ils sachent bien que ce sont eux les fossoyeurs de notre culture, les réactionnaires, les anti-progrès et les passéistes qui pousseront leurs camarades à aller vers de plus en plus de marginalité, de dépendance, et de rétrécissement des idées !<br />Il faut parler aux politiques avec des mots qu’ils comprennent : nous organiser pour leur démontrer exemple à l’appui que des villes comme Lyon, Barcelone et bine d’autres encore ont fondé leur prospérité et leur attractivité sur la Culture, avec un grand C !<br />Tant que les acteurs de la culture ne cesseront pas d’être dans l’angélisme et le déni, alors il ne pourra rien se passer et le dialogue entre les pouvoirs publics et les gens qui se préoccupent de et agissent véritablement pour la culture continuera d’être un dialogue de sourds ! Nous demandons aux pouvoirs publics de comprendre les enjeux artistiques de notre création, alors essayons de faire de même et de traduire en termes intelligibles les enjeux culturels, sociaux, économiques et politiques de la culture que nous défendons - car elle en a ! Il faut cesser de se défendre de toucher et de parler de ces aspects sous prétexte que nous serions de purs créateurs. C’est faux ! Nous avons les idées et les compétences pour élaborer une véritable politique culturelle en conjonction avec le gouvernement. Il faut les rendre visible ! Arrêter de nous autocensurer, et commencer à échanger entre nous pour rendre intelligible notre cause.<br />Ouf, on a quatre ans avant le prochain 29 février.<br /><br /><br /></div>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-51292019783262296012008-02-11T10:20:00.000+01:002008-02-11T10:22:49.203+01:00Droit de réponse, comme d'hab!Je me permets de publier un commentaire de Jill Gasparina au sujet du post précédent:<br /><br />Chère Dorothée,<br /><br />Effectivement, je crois que tu n'as pas compris mon propos (mais peut-être n'était-t-il pas suffisamment clair). Et je ressens le besoin de m'expliquer car tu dresses de moi un bien curieux portrait dans ce texte. Le personnage de critique moraliste et manichéenne auquel tu m'identifies me paraît inapproprié, et pour tout dire en total contresens avec mon texte et plus généralement avec mes convictions.<br /><br />Pour commencer, je serais bien en peine de me lancer dans une défense de l'underground. Pour moi,et je ne suis pas la seule, l'underground renvoie à des stratégies artistiques liées aux années 60 et 70. Je n'en prends pas la défense. Je prends au contraire plus régulièrement la défense d'artistes, qui comme Swetlana Heger par exemple ont fait le deuil de cette catégorie, et brouillent constamment les pistes de la dimension commerciale de l'objet d'art. C'est dans cette perspective que j'ai écrit un livre de vulgarisation sur liens entre l'art et la mode (la mode la plus commerciale, le prêt à porter) ou que je travaille à ma thèse sur la massification de l'art contemporain, en réfléchissant au continuum qui existe entre l'oeuvre d'art et le produit commercial.<br /><br />En tant que critique, j'ai été plutôt dépaysée devant l'oeuvre de Pierre, qui n'a rien de pop, ni de massifié. Tu conviendras que lorsqu'on parle d"underground" aujourd'hui, dans le monde de l'art, c'est généralement de manière galvaudée: j'entends par là que le terme a perdu la valeur positive qu'il possédait il y a une trentaine d'années, et il est utilisé avec un soupçon de méfiance, ou de condescendance, au choix, ce que ton indignation ne fait que pointer à nouveau. Je ne déplore pas ce fait, je le constate. Je suis tout sauf nostalgique de l'underground. Je m'intéresse bien plus à d'autres stratégies, à la schizophrénie de l'artiste en régime commercial, à sa double conscience. Remarque d'ailleurs que j'ai ajouté les références à Dan Graham ou à Warhol, comme exemples d'autres stratégies possibles. Je n'ai donc jamais et en aucun cas voulu dire qu'il n'y a pas d'underground pop, ni que seul l'underground avait de la valeur, puisque je pense exactement le contraire et que je n'ai pas cessé de le penser pendant que j'écrivais ce texte.<br /><br />Si j'emploie ce terme, et avec toutes les pincettes du monde, c'est que malgré tout il décrit parfaitement la stratégie artistique de Pierre Beloüin. Il incarne et non sans auto-ironie me semble-t-il, ce qui n'est rien d'autre qu'une posture, un costume, un masque, il la performe continûment et porte pour ainsi dire toute la panoplie de l'underground, qui définit sa persona d'artiste. En accumulant les références, je ne cherche qu'à souligner que cet ethos ne peut être aujourd'hui qu'une posture, ce qui ne rend pas le travail de Pierre moins intéressant mais au contraire plus trouble et plus riche.<br /><br />Tu ne trouveras jamais dans aucun de mes textes l'éloge d'une quelconque pureté morale de l'art. Et je partage tes indignations. Je suis donc contente de t'avoir permis de délier ta plume, mais je pense que tu te trompes de personne, puisque je suis d'accord avec toi, en totale opposition avec cette" petite vision manichéenne du monde".<br /><br />Bien à toi,<br />Jill<br /><br /> <span style="font-size:85%;color:gray;"><br /></span>Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-74229173196555533702008-01-26T12:31:00.000+01:002008-01-26T12:56:39.520+01:00De l'undergroundJe suis très interloquée par le texte de Jill Gasparina que je viens de lire dans le catalogue de Pierre Belouin, qui a actuellement une exposition au Frac Paca à Marseille.<br />Il y a une espèce de délire sur l’<span style="font-style: italic;">underground</span>. Jill essaye en fait de prouver que Pierre Belouin est un des héritiers purs de l’esprit de l’underground, que c’est un utopiste fini, qui sort complètement des sentiers battus, que quelle chance de pouvoir enfin voir ce travail tellement souterrain et volontairement plein d’une pudeur liée d’un temps où on savait ce que c’était que l’honnêteté artistique (enfin, j’extrapole, il faut le lire pour vous même) etc.<br />Je cite : « Underground. Ce terme a été largement galvaudé » (???) « au point qu’on en oublie la réalité culturelle à laquelle il faisait référence » (et là attention) « celle d’individus ou de collectifs d’artistes exigeants » (merci pour les autres) « volontairement en marge de la dominante pop » (il me semble qu’il y a aussi un underground pop non ???).<br />Bon. En gros, il y aurait les underground, ceux qui ont le droit d’exister, qui sont exigeants, qui sont les purs en quelque sorte, et puis les autres, les corrompus, les pourris, ceux qui se soumettent à la société et à ses envies forcément viciées et dégueulasses. Cette petite vision manichéenne du monde a le mérite d’être claire et de couper l’herbe sous le pied à la plupart des nuances possibles, de renvoyer définitivement dans leur pénates ceux qui ne seraient pas d’accord et d’instaurer une sorte de caste des « justes » qui auraient raison sur les autres. De plus, personne n’est censé le savoir sauf eux, vous voyez dans quelle position embarrassante on se trouve si on souhaitait éventuellement contester cet état de choses (réactionnaire, mal informé, ou pire ! pas assez cultivé).<br />Bon après il y a l’habituel <span style="font-style: italic;">name dropping </span>que nul n’est censé ignorer mais ça on a encore le droit d’avoir des références que je sache même s’il me semble que cette accumulation de noms ne me fait pas me rapprocher particulièrement de l’univers de l’artiste, au contraire, elle aurait plutôt tendance à le renvoyer dans une petite case bien délimitée dont on est prié de ne pas sortir, merci (son travail a au demeurant l’air plutôt intéressant, ludique, clever comme disent les Anglais).<br />Je ne sais pas : déplorer le commercial, perpétuer cette réflexion simpliste sur ceux qui sont de part et d’autre d’une « barrière » qui ne continue finalement d’exister que parce que l’on en parle, il me semble que c’est ça le vrai risque réactionnaire, que ça induit des notions de clans et de pureté qui me font peur dans notre société de métissage. Le vrai brassage c’est celui des intentions pas des disciplines. Sans compter qu’une exposition dans un FRAC n’est pas le truc le plus <span style="font-style: italic;">underground</span> du monde en soi, quand même. C’est génial (surtout le Frac Paca que j’adore comme lieu), mais vraiment pas confidentiel.<br />Voilà. Donc je ne comprends pas vraiment le propos de Jill. Bon je suppose si je la vois elle aura tout un tas de bonnes raisons de m’expliquer et comme d’habitude je me rendrai à ses explications mais là à chaud c’était important de s’indigner. Je veux dire, quand c’est écrit, c’est écrit, hein, on peut pas toujours écrire des choses et puis espérer qu’on n’a rien dit, qu’il ne s’est rien passé. L’écriture est un événement en soi. Sur ce je retourne bosser. Bon week endDorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-60671543931642727662008-01-17T16:36:00.000+01:002008-01-17T16:41:42.563+01:00En passantsalut à tous<br />Ceux qui sont complètement insomniaques et ocntinueut courageusement à se connecter sur ce blog largement inactif depui un an ont peut être cru avoir la berlue et voir un post daté d'il y adeux jours et depuis retiré. En effet j'ai eu une vive discussion avec l'ami dont je parlais dans cet article et donc je l'ai retiré.<br />Ca nous pose beaucoup de questions (enfin dans un premier temps à moi personnellement) sur la liberté d'expression et l'autocensure qui nous gouverne tous sutout dans ce petit monde consensualiste et minuscule qu'est celui de l'art contemporain, et donc je suis frustrée et j'ai envie de balancer.<br />Je viens de relire un texte sur l'art engagé et du coup je repensais à Claire Fontaine. Je me rends compte que j'ai oublié de dire dans ce blog que je suis contre. Ce sont des imposteurs.<br />Ceux qui ne sont pas d'accord peuvent commenter et si vous êtes sages je vous raconterai bientot pourquoi. En attendant n'achetez rien (surtout par la brique dans le livre qui est un scandale) et on se reparle bientôt. Sur ce...Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-4359284827468167872007-03-20T15:16:00.000+01:002007-03-20T15:20:47.449+01:00Mes excusesCher lecteurs de ce blog (ainsi que les nombreux robots mandatés par Viagra pour laisser des commentaires à mes posts pour m'enjoindre à augmenter la taille de mon pénis et autre stimulants cardiaques)<br />Je souhaite vous présenter mes excuses pour ma non présence sur la toile de ce blog les 6 derniers mois. Il est fort possible que cela se reproduise étant donné la charge de travail gigantesque à laquelle s'astreint quotidiennement votre servante pour vous satisfaire, vous public exigeant de la scène artistique contemporaine internationale. Néanmoins, ci après un texte écrit récemment pour mes amis les Bad Beuys qui font actuellement une exposition à Catalyst Arts à Belfast, si vous vous rendez en Irlande aussi souvent que moi je vous enjoins à aller la visiter vous en aurez pour vos mirettes.<br />Allez, bonne lecture, et à bientôt.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-6808906903112237052007-03-20T15:08:00.000+01:002007-03-20T15:21:35.160+01:00BBE : « Les taggeurs sont les enfants de Buren »<span style="font-weight: bold;">Un essai à propos de l’exposition « SPECTRUM CITY was the name » à Catalyst Art, Belfast, en particulier et du travail des Bad Beuys Entertainment en général </span><br /><br />En arrivant à Paris en voiture de l’autoroute du nord, on arrive porte de la Chapelle et les enseignes néon énormes trônant sur les buildings font se demander si ces immeubles ont été construits pour eux-mêmes ou seulement pour être le support de publicité géantes. Cette expérience urbaine transposée dans l’univers Belfastois sert de point de départ à une nouvelle exposition de BBE intitulée « Spectrum City ». Évoquant la guerre qui déchirait la ville il y a encore à peine dix ans, ils écrivent le mot « canon » (« Canon comme la marque mais aussi comme un canon») en lettres halogènes sur une tour de placoplâtre sommaire, aveuglant les visiteurs à l’entrée de la galerie. Le mot brûle les yeux : impossible de le regarder plus d’une seconde sous peine d’avoir les yeux marqués par un phosphène entêtant. La violence du canon est-elle si puissante qu’elle reste imprimée sur la rétine bien après que l’on ait cessé de l’avoir sous les yeux ? A l’époque où le néon devient la métaphore politique falote d’une certaine prise de parole par les artistes, les Bad Beuys opposent à la lumière bienveillante du néon, qui « met en valeur », une lumière qui dissimule et « efface les formes », l'halogène. Résultat : pour appréhender le reste de l’exposition, il faut se dissimuler derrière la tour. Et comme disent les BBE, « alors tu peux vaquer à tes petites affaires ». Le message est clair : c’est en se dégageant de la frontalité d’une situation qu’on peut commencer à l’appréhender dans son ensemble.<br /><br />Encore une sensation urbaine à l’origine d’une autre pièce présentée dans l’exposition, le Marron fluo : quand la nuit tombe sur le périphérique, la pollution se mélangeant à l’aspect translucide du crépuscule donne un marron fluorescent, une couleur à la fois magique et chimique, dégénérée. Paradoxe : éclairé à la lumière noire, le mur paraît gris souris, comme les autres. C’est par sa propre ombre s’y découpant en lumière naturelle que le spectateur peut découvrir l’aspect brun de l’aplat, un brun moiré, cherchant à s’émanciper de la morosité du gris urbain. Dans un assentissement ironique à une société du spectacle promouvant des expériences sensibles stéréotypées, BBE construit une « réalité fabriquée », autant d’« artefacts » du réel destinés à rejouer les sensations urbaines à l’échelle de la galerie. Ainsi la maquette en carton de babylone by _us repoussant le spectateur vers les murs de la galerie, le slogan publicitaire en halogène aveuglant, le crépuscule de banlieue, la Sanisette dont il faut faire le tour dix fois avant d’en comprendre la hiératique impénétrabilité, qui sont autant de tentatives de tapisser le white cube de macadam.<br /><br />L’art des BBE mêle ainsi de façon improbable connaissance intime des cultures urbaines, graffiti, hip hop, et fascination sincère bien que méfiante pour les architectes et politiques qui ont agencé notre environnement au fil des siècles, conditionnant nos vies, nos pensées et notre culture. En effet on l’aura compris l’un des grands dada de BBE c’est l’aménagement du territoire, dont une rétrospective cheap mais exhaustive nous est proposée dans une autre partie de l’exposition avec Petite histoire de l’urbanisme, vidéo réalisée à grand coup de Google image et de name dropping rigoureusement documenté allant d’Imhotep au Corbusier en passant par le baron Haussmann. BBE endosse ainsi la rage légitime du citadin envers ces grands urbanistes qui ont pris des décisions souvent inhumaines et pourtant parfois indispensables, et rend visible sa transfiguration dans les formes de résistance que constituent les cultures de rue. Car si l’art de BBE se revendique avant tout d’une expérience urbaine physique quotidienne, c’est que celle-ci est la manifestation la plus primaire d’un espace urbain conçu pour contrôler les corps et les asservir au politique. Déplorant le travail des artistes traitant de la banlieue comme souvent « rempli de bonnes intentions », les BBE évoquent la frilosité (je dirait plutôt le ratage quasi sytematique) des membres de la culture dite « de rue » à investir le champ de l’art contemporain. (j'ai retiré: par « peur de l’asservissement, de la compromission »). Pourtant ils rappellent que « les taggeurs sont les enfants de Buren », arguant par là que le tag, geste minimal, rapide, anonyme, est initialement pensé pour signer la ville, se la réapproprier.<br /><br />Le titre de l’exposition, « SPECTUM CITY was the name », fait allusion au sound system crée par les fondateurs du groupe Public Enemy, une référence constante de BBE, qui avait déjà réalisé une installation samplant un de leurs morceaux. La technique du sampling doit d’ailleurs selon BBE trouver une indépendance esthétique ou de sens vis-à-vis de l’original : « sinon tu perds au procès esthétique » soulignent-ils malicieusement. Technique qu’ils s’approprient de façon particulière en favorisant le « fait-main, le low fi », se démarquant ainsi de l’utilisation systématique de la sous-traitance par certains artistes, position que BBE refuse, alléguant la logique politique et économique la sous-tendant et citant alors volontiers Thomas Hirschhorn : « énergie oui, qualité non ». Une stratégie du fait par soi-même en réaction aux usages imposés par l’environnement urbain. Si l'art contemporain existe depuis que l'artiste s'est émancipé du savoir-faire à l'échelle de la main, on peut alors prendre comme un hommage au modernisme le projet de BBE consistant littéralement à refaire pour s'approprier le réel en un sample maladroit. Admirant le lyrisme d’un Malachi Farrell, BBE perçoit ainsi le caractère possiblement décoratif du décor urbain comme le théâtre d’histoires fondatrices. De même qu’ils tournaient des épisodes de soap opera dans les rayons d’IKEA, ils travaillent à leur propre version d’« I like to be in America » pour une exposition au Brésil, dans un clin d’œil critique au rêve latino-américain. De grandes histoires humaines donc, cachées dans les interstices bétonnés des grandes métropoles.Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-23176056.post-1157411191028685592006-09-05T00:54:00.000+02:002006-09-05T01:06:31.050+02:00Le Commissaire te voit!!Ca y est nous ouvrons la galerie du Commissariat!!<br />Je suis pétrie de stress.<br />Il est difficile d'accorder parfois nos emplois du temps. Cela malgré tous les moyens de communication moderne il est dur de coordonner toutes les actions et parfois les timing des uns ne correspondent pas à ceux des autres, surtout mentaux. Je sais que je suis une grosse angoissée, et j'ai besoin d'étaler les choses dans le temps pour avoir le sentiment de maîtriser. Les autres sont peut être plus insouciants, du moins, moins angoissés!!<br />Mais j'apprends aussi à me relaxer :), du coup!!<br />Ah oui il faut les présenter: il y a Faycal Baghriche, l'homme organisé, le RP fatal, l'homme au carnet d'adresse en or; il y a Matthieu Clainchard, qui vient de passer sur France Culture ce lundi soir 4 septembre à 00h10 <a href="http://www.radiofrance.fr/services/rfmobiles/podcast/index.php?channel=5&g=EMI">http://www.radiofrance.fr/services/rfmobiles/podcast/index.php?channel=5&g=EMI</a> et qui est le pacificateur du groupe, et Vincent Ganivet qui est la voix de la raison et le tranche tout dès qu'il y a une décision cruciale à prendre. Et moi, je fais des listes et je passe par jour 30 coups de fils ravis, enervés, hurlants, joyeux, ou découragés tour à tour!!!! Mais ils ont toujours réponse à tout et tout finit toujours par s'arranger...<br />En tout cas le vernissage inaugural du <span style="font-weight: bold;">Commissariat</span> est le <span style="font-weight: bold;">9 septembre</span> au 15 passage Ste Anne Popincourt à Paris, Métro Chemin Vert, <span style="font-weight: bold;">"Sans conservateurs" </span>s'intitule l'expo, venez nombreux!!!Dorothée Dupuishttp://www.blogger.com/profile/04456160342300129326noreply@blogger.com2