11 février 2008

Droit de réponse, comme d'hab!

Je me permets de publier un commentaire de Jill Gasparina au sujet du post précédent:

Chère Dorothée,

Effectivement, je crois que tu n'as pas compris mon propos (mais peut-être n'était-t-il pas suffisamment clair). Et je ressens le besoin de m'expliquer car tu dresses de moi un bien curieux portrait dans ce texte. Le personnage de critique moraliste et manichéenne auquel tu m'identifies me paraît inapproprié, et pour tout dire en total contresens avec mon texte et plus généralement avec mes convictions.

Pour commencer, je serais bien en peine de me lancer dans une défense de l'underground. Pour moi,et je ne suis pas la seule, l'underground renvoie à des stratégies artistiques liées aux années 60 et 70. Je n'en prends pas la défense. Je prends au contraire plus régulièrement la défense d'artistes, qui comme Swetlana Heger par exemple ont fait le deuil de cette catégorie, et brouillent constamment les pistes de la dimension commerciale de l'objet d'art. C'est dans cette perspective que j'ai écrit un livre de vulgarisation sur liens entre l'art et la mode (la mode la plus commerciale, le prêt à porter) ou que je travaille à ma thèse sur la massification de l'art contemporain, en réfléchissant au continuum qui existe entre l'oeuvre d'art et le produit commercial.

En tant que critique, j'ai été plutôt dépaysée devant l'oeuvre de Pierre, qui n'a rien de pop, ni de massifié. Tu conviendras que lorsqu'on parle d"underground" aujourd'hui, dans le monde de l'art, c'est généralement de manière galvaudée: j'entends par là que le terme a perdu la valeur positive qu'il possédait il y a une trentaine d'années, et il est utilisé avec un soupçon de méfiance, ou de condescendance, au choix, ce que ton indignation ne fait que pointer à nouveau. Je ne déplore pas ce fait, je le constate. Je suis tout sauf nostalgique de l'underground. Je m'intéresse bien plus à d'autres stratégies, à la schizophrénie de l'artiste en régime commercial, à sa double conscience. Remarque d'ailleurs que j'ai ajouté les références à Dan Graham ou à Warhol, comme exemples d'autres stratégies possibles. Je n'ai donc jamais et en aucun cas voulu dire qu'il n'y a pas d'underground pop, ni que seul l'underground avait de la valeur, puisque je pense exactement le contraire et que je n'ai pas cessé de le penser pendant que j'écrivais ce texte.

Si j'emploie ce terme, et avec toutes les pincettes du monde, c'est que malgré tout il décrit parfaitement la stratégie artistique de Pierre Beloüin. Il incarne et non sans auto-ironie me semble-t-il, ce qui n'est rien d'autre qu'une posture, un costume, un masque, il la performe continûment et porte pour ainsi dire toute la panoplie de l'underground, qui définit sa persona d'artiste. En accumulant les références, je ne cherche qu'à souligner que cet ethos ne peut être aujourd'hui qu'une posture, ce qui ne rend pas le travail de Pierre moins intéressant mais au contraire plus trouble et plus riche.

Tu ne trouveras jamais dans aucun de mes textes l'éloge d'une quelconque pureté morale de l'art. Et je partage tes indignations. Je suis donc contente de t'avoir permis de délier ta plume, mais je pense que tu te trompes de personne, puisque je suis d'accord avec toi, en totale opposition avec cette" petite vision manichéenne du monde".

Bien à toi,
Jill