29 janvier 2009

Le cas Claire Fontaine

(suite à la visite de l'exposition en janvier chez Chantal Crousel, mais à propos de leur pratique en général)

En critiquant le monde de l'art Claire Fontaine a certainement raison. Je ne vois pas pourquoi le conformisme ambiant épargnerait ce système qui fonctionne malgré tout de façon exemplaire sur le modèle du grand capital. Maintenant, c'est justement l'endroit d'où se place Claire Fontaine pour dire cela, qui est problématique. Il est clair que Claire Fontaine diffuse sa pensée dans ces mêmes réseaux qu'elle critique comme affaiblis et retirés des vraies subjectivités. C'est très paradoxal. Dans un sens, Claire Fontaine a pris la décision d'opérer dans ce champ. Elle doit considérer par conséquent qu'il est le plus à même de réceptionner son discours et sa production. En même temps, elle émet un discours qui critique ouvertement ce champ et le dépeint comme exemplaire de pathologies qu'elle décrit continuellement (il y a un côté très "docteur", une envie de diagnostic, que partage Claire Fontaine avec son grand frère Damian Hirst). Claire Fontaine prétend soigner notre grippe en ouvrant tout grand les fenêtres. Elle entend sans doute tenter un électrochoc salutaire, sur le corps intellectuel postmoderne moribond qu'est l'Europe post-mur. Gifler des évanouis, c'est une belle leçon d'humanisme que nous livre là Claire Fontaine.
Mais il me faut encore me passer d'ironie. Elle est facile, et témoigne d'une aigreur personnelle, subjective, que je ne souhaite pas invoquer car il me faut utiliser les mêmes outils "objectifs" que Claire Fontaine, rester dans cette littéralité visqueuse.
Ce qui est glaçant donc, c'est que Claire Fontaine décide de l'échec programmé de sa campagne (puisque que d'un côté je ne sais comment l'appeler autrement, le dictionnaire dit "opération programmée de communication commerciale ou politique", et dans le cas de Claire Fontaine c'est même les deux à la fois?) puisque lancée au sein d'une classe insensible par nature au message même.
C'est pervers, et ceux qui s'en rendent compte n'ont aucun moyen de réagir à ces provocations. Or ne pas réagir c'est accepter. Claire Fontaine nous coince alors avec son concept de "grève humaine" (les sociologues pensent même que environ 25% du personnel en france, public et privé confondus, mène des grèves personnelles, arrêts maladies, vol de matériel, surf sur internet, absentéisme...).
C'est une logique qui utilise des représentations sociales simplifiées sur le modèle du collège: traiter un petit camarade de ton lycée du 8e arrondissement de "fils de bourge". C'est une tautologie. Elle révolte parce que, "il n'y a que la vérité qui blesse". Au fait, pourquoi alors évite t'on de dire la vérité? Pour faire en sorte que les choses "avancent", que le cours des choses ne soit pas "bloqué" par une mauvaise nouvelle, une contrariété, des subjectivités antagonistes qui "paralysent" l'action... le mensonge semble dénoncé par Claire Fontaine comme un moyen trop facile de dissimuler la réalité du flux de la vie (qui doit continuer coûte que coûte)... Devant la vérité qui blesse, quel comportement adopter? changer? mais en a t-on les moyens? Claire Fontaine semble affirmer que non.
En revanche, Claire Fontaine semble affirmer que nous pourrions au moins ne pas vivre dans le mensonge. Claire Fontaine semble exiger une certaine transparence, et je pense que c'est en cela qu'elle essaye de diluer cette position d'auteur, qui me semble pourtant encore dans de rares cas certes (mais en même temps combien de génies ont émergé des masses de créateurs de toutes les époques tombés dans l'oubli?) pertinentes. Dès lors sa fascination certaine (un peu midinette, à tendance lyrique, et c'est la seule petite concession à l'ancienne préoccupation en art du "style" que fait Claire Fontaine) pour les expériences collectives et leurs acteurs dessine une frustration assumée et rageuse, qui conduit parfois aux expositions à la limite de l'autodafé, de l'automutilation, que produit par moment le collectif. C'est une vision autodestructrice de la civilisation, un moment de nihilisme, où tout discours peut cohabiter avec un autre, où voisinent fascisme et créolité mis au même plan. Les chutes successives des conceptions bipolaires de l'histoire tout au long du XXe siècle, ont conduit à un aplatissement du réel, pour reprendre leurs mots à "un affaiblissement des subjectivités". Ce que Claire Fontaine redoute d'entendre en retour c'est le mot de "souveraineté". Elle sait quelles puissances ravageuses ce mot déchaîne dans l'autre monde, celui de ceux qui peuvent, où elle pourrait agir, lancer des balles de tennis et fistfucker de belles terroristes dépressives. Alors elle préfère faire comme le coiffeur du roi Midas, elle court très loin chez Chantal Crousel, elle creuse un trou et elle crie: Please god make tomorrow better.
Faire des héros de ces gens là ne me paraît pas justifié dans ce cas. Cela est un signe que déjà trop de choses ont été oubliées. Les expositions de Claire Fontaine sont peut-être alors comme les poussées d'acné actuelles de l'extrême droite, comme l'étaient celles de l'extrême gauche en son temps (au détail prêt que Claire Fontaine ne peut tout de même pas se payer le luxe de se revendiquer d'extrême droite au sein du monde de l'art, cela lui fermerait trop d'audience): des signes bizarres, des frémissements d'écorce terrestre: c'est Daladier qui revient en France après Munich en 1938 et qui, salué par le peuple, siffle entre ses dents:"ah les cons! s'ils savaient" (les "pauv'cons" actuels ont tout de même des contextes moins tragiques). C'est un substrat d'impuissance politique démagogique. Et tout cela est servi avec moult textes théoriques imparables faisant appel à tout l'arsenal subjectif de la French Theory, dans un rabâchage permanent de la théorie du spectacle, qui a eu le flair empirique, à l'opposé de beaucoup de théories politiques du xxe siècle, de théoriser le système réel et pas d'inventer une théorie nouvelle et abstraite sur laquelle on essaye de plaquer le fonctionnement réel du système existant. Dès lors c'est le dernier qui a parlé qui a raison. Claire Fontaine ne propose pas d'alternative. L'esthétique est politique. Les formes sont polluées. Les mots aussi,
"parce que les mots ont été vidés de sens par le pouvoir, parce qu’en démocratie certes on peut s’exprimer mais dans des conditions qui rendent l’écoute impossible et le sens de ce qu’on dit dérisoire." (mots extraits d'un texte de l'artiste)
Dommage que l'exposition n'ait pas duré jusqu'à la fashion week, ça aurait fait facilement perdre 1kg de cervelle aux mannequins du quartier en pause déjeuner.
Bon, je vous laisse, l'ironie revient. Et je ne suis pas sûr que ce soit ma plus grande force, ci celle de qui que ce soit en général.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

En voyant 95% de la production "artistique" actuelle, Duchamp ricanerait. Rien que de l' art pour l'art post Beaux-arts financé bientôt
par le néo socialiste Sarkosy et ainsi de suite jusqu' à extinction.

Anonyme a dit…

mais ton ami loris gréaud il s'est bien pas foutu de notre gueule lui aussi ?
tes petits copains de chez léo scheer ? non plus ? çà te gène l'ironie maintenant ? Ce qui me rassure, c'est que vous allez bientôt tous perdre votre place, les tocards de l'art contemporain...

Anonyme a dit…

brrr, tu nous fais peur aigre anonyme !

Anonyme a dit…

c'est sur que Greaud doit bien se foutre de ta gueule la...quelques remonter amer et acide anonymes? looser...

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je viens de découvrir votre site sur internet.
Je vous invite à visiter mon blog pour découvrir ma démarche dans ce que j'appelle le Pop Art Digital.
Cordialement,

Anonyme a dit…

j'aime tes critiques car elles sont sinceres au risque de brusquer c'est si rare

frédéric simon

françois curlet a dit…

des niches marketing pour idéaux samplés. tout le monde cherche un collier,les garçons cramponnent et le filles tirent la couverture... pas de surprise.