16 juin 2011

Entertainment ! (2)

Je me penche par la fenetre du dernier étage : dehors, des gens continuent à arriver. Je fais signe à quelques amis qui arrivent au pas de course, les bras chargés de matériel divers. J'espère en mon fort intérieur qu'ils vont continuer à arriver, qu'ils ne vont pas être en retard : à un moment, ça va être difficile de rentrer. Plus tard, si on arrive à installer un vrai "piquet" de grève, alors là oui, on pourra circuler, aller chercher de la nourriture, se ravitailler, éventuellement faire de petites missions à gauche à droite : mais pour l'instant le moment est décisif, il faut être assez pour pouvoir résister à une expulsion, alors je me réjouis du flot inninterrompu de gens qui se massent pour rentrer dans le bâtiment, je me dis, on est peut être une grosse centaine, peut être même plus, ce serait bien qu'il y en ait encore quelques autres.
Derrière moi dans la salle, ça s'organise tant bien que mal. Beaucoup envoient des textos, des messages FB, twittent, pour faire circuler la nouvelle. Autant au début il a fallu éviter les réseaux sociaux pour ne pas se faire griller, autant maintenant, c'est parti ! Il faut venir ! Rejoignez nous tous, c'est maintenant qu'on peut faire quelque chose pour dire qu'on est pas d'accord et qu'on se laissera pas faire, qu'on veut au moins attirer l'attention de l'opinion sur ce système injuste et absurde, enfin en tout cas, montrer qu'on souhaite affirmer physiquement un désaccord, puisque quelque part, la parole ne signifie plus, elle ne fait que rajouter des couches conceptuelles supérieures, comme dit Francesco Masci, "on ne répond plus à des livres subversifs par des bûchers, mais par d'autres livres et des débats à la télévision". Seule l'occupation des corps, symboliquement, occuper l'espace de la domination, là où elle se fabrique, s'engendre, me paraît être une réponse aujourd'hui à l'absurdité qui m'entoure. Seule cette absolue présence dans ce lieu, avec ces gens, me réconforte, me tient éveillée. Je décide d'allumer une cigarette, de la fumer au balcon. Encore une règle stupide, que je décide de briser maintenant, au point où j'en suis. Je sais que dans quelques minutes il va falloir commencer à s'organiser et je repense aux propos de Coupat sur les communes et je me demande ce qu'il penserait de tout ça.

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