Printemps 2004
La représentation fait elle écran? Je me pose cette question plus particulièrement à propos du dessin, en fait. Ces derniers temps est venue la question de la représentation en dessin. La question tournait autour de propos techniques, que peuvent bien être les caractéristiques qui sont de l'ordre de la technique dans le dessin, et aussi les questions ontologiques même à savoir qu'est ce exactement un dessin? C'est à dire par exemple à partir d'où un dessin devient une peinture, un objet voire un dispositif, et aussi dans quelle mesure il dépasse le statut de la simple illustration (et là encore la question est ardue).
Donc en fait que serait un dessin:
-matériau: papier ou autre chose? quel medium?
-figuratif ou abstrait.?
-traits ou formes?
-de représentation ou d'imagination?
Il semblerait en ce moment que derrière une certaine liberté de ton et de forme le dessin se méfie du rôle auquel on l'a longtemps assigné, celui de document du réel. Bien avant la photographie, le dessin a une vélléité d'objectivité (la question principale des enfants par rapport au dessin "on reconnait vachement bien" ) . La fonction documentaire du dessin, notamment comme vecteur de savoir (cf dessins scientifiques de la faune et flore dès le XVIe siècle). Le dessin avait une validité vérifiante incontestée, grâce à une espèce de charte tacite entre le dessin et le spectateur de ressemblance. Le dessin tendait toujours vers l'essence de la représentation, et vivait dans l'utopie du dessin parfait, celui qui rendrait compte en totalité du monde, utopie qui traversa tout l'histoire de l'art de l'Egypte ancienne à Rodin. Utopie bien sûr tout platonicienne, remanescence de rites païens dont les mondes monothéistes ne purent jamais se défaire, malgré quelques tentatives d'interdictions religieuses (interdictions de représentation de dieu chez les juifs, icones dans le monde de la chretienneté, pas de figures humaines dans l'islam...)
Dans le dessin contemporain cette charte s'est finalement peut être adaptée, dans la mesure ou dorénavent et parallèlement au développement de la photographie le dessin perd son caractère uniquement documentaire pour se concentrer vers une interprétation plus sensible de la graphie, et rechercher un style, une écriture. Cet élargissement du dessin même au champ du langage par l'écriture va être au coeur même d'investigations d'artistes tels les dadaïstes, les surréalistes puis les conceptuels, en passant par les situationnistes et bien d'autres.
Désormais dans le dessin ce qui prime c'est la vision d'un auteur, comme une interprétation libérée et vérifiante du réel, mais pas dans un sens documentaire. On cherche un regard, quelque chose qui s'échapperait du simple champ de la représentation pour signifier quelque chose d'intrinsèquement caché mais pourtant essentiel. Car l'essentiel maintenant n'est plus rattaché à la représentation. On le suppose plus beau, plus grand, moins banal, on cherche la vison qui viendra conforter que l'on ne peut pas voir la vérité sans la fonction révélatrice de l'art. Que l'art révèle, que l'art sublime.
Du coup, et devant la prolifération d'images photographiques mimant le réel, on se méfie de la représentation effective et "réaliste" du dessin. On veut qu'il dise plus que la simple tautologie visuelle. On l'a dénudé de son pouvoir détaillant, avalisant. On exige de lui de la synthèse, de l'esprit, de l'autonomie alors que le dessin est par essence partie. Partie du monde, partie du réel, partie dans un grand tout que forme son rappel au monde visuel quel qu'il soit (abstrait ou figuratif).
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