28 février 2006

Leaders of the packs: une nouvelle avant-garde Française? / Janvier 2004

Texte rédigé en Janvier 2004, dans la gare de Stuttgart!

Depuis que je me suis expatriée, en juin 2003, je réalise combien le petit orgueil artistico-institutionnel français est décalé par rapport à ce qui se passe vraiment dans le monde de l'art contemporain. Et surtout à quel point une petite perfusion de simplicité, peut-être un peu "old school", serait également salutaire à toute une frange du marché contemporain qui s'asphyxie à coup de nouveaux médias, d'installations vidéos hypra-complexes, d'"esthétique relationnelle" et d'artistes en provenance des ex-pays communistes dont la nationalité à elle seule devrait attester d'un soi-disant exotisme, d'une vision du monde neuve et fraîche par rapport aux rapports ouest-européens à l'histoire de l'art, si figée dans la suprématie post-moderniste à mouvance pro-US.
Nos artistes Français, en revanche, ont pris leurs distances. Complètement à côté de la plaque, à baguenauder cinq ans dans des écoles d'art où la théorie et les questions ontologiques sur l'essence de l'art priment ("as-tu trouvé ton espace mental?") — et quand ils ont eu leur diplôme — ces jeunes fraîchement émoulus se pressent tout naturellement aux portes du RMI, premier mécène français. Celui-ci, avec l'aide d'autres partenaires généreux (parents, petits boulots, ASSEDIC, conjoints) continue sa lente évolution, prend le temps de regarder le monde et son époque, loin des contraintes politico-économiques (il n'a pas de commandes publiques, encore moins de galerie!).
Ce doux rêveur utilise alors son temps à ne rien faire, ce qu'il fait à merveille.
Lorsqu'il s'ennuie trop, il recopie le dictionnaire (Gilles Barbier), fabrique de nouveaux instruments de musique avec des prospectus (Franck David), remplit des bassines de gel fraîcheur citron (Guillaume Alimoussa), ou encore fait fabriquer des cubes désinfectant pour WC gigantesques (Guillaume Paris). Ces nouveaux compulsifs obsessionnels de l'oisiveté sont à l'origine d'une nouvelle mouvance très représentative - et innovante - sorte de nouvelle avant-garde française. Ces leaders de l'esthétique du pauvre, du populaire, du cheap pas kitsch, de l'esthétique de supermarché (Paris en tête) distillent à coup de micro-sculptures anodines une poésie acérée bien plus polémique (et politique!) qu'ils ne le laissent penser.
Les intentions pas toujours claires de ces brebis (noires certes) de l'art contemporain transparaissent cependant à coup de pièces aux titres évocateurs ou à l'esthétique empruntée aux grands courants de l'histoire de l'art, que ce soit le minimalisme (les très purs et néanmoins overtrash "week-end" de Franck David) ou même la renaissance italienne (les grand tableaux de maîtres reproduits en gras sur des cartons de pizza, grandeur et décadence de l'image italienne à l'étranger de Guillaume Alimoussa).
Pourtant, on ne peut reprocher à ces artistes grosso modo trentenaires de ne manquer de sincérité. Du fait de ce contexte français très particulier décrit plus haut, ils ont plutôt sans doute eu la chance de se poser au bord de la grande autoroute du monde, un peu en touriste, et de s'imprégner de ses bons et mauvais côtés. Qui ressortent naturellement au sein de leur pratique quotidienne puisque non dictée particulièrement par des contraintes commanditaires, telles les pâquerettes dans le parc municipal envahi par les déjections canines.
Une certaine élégance, un certain érotisme français même pourrait être ressenti et évoqué si on voulait réellement faire la promotion — mais en ont-ils vraiment besoin? — de ces jeunes esthètes français. Tels la pièce vide de Guillaume Alimoussa, éclairée aux néons de boucherie, faisant juste ressortir les teintes d'incarnat de ses visiteurs comme ils mettraient en valeur les délicates nuances rosées d'une côtelette de porc. Ou cette grosse poche de plastique rose, enflée, luisante, tentant d'envahir mollement tout l'espace d'exposition et clamant de façon pathétique "je ne suis pas un numéro!" de Franck David. Allusion discrète à une sensualité qui passerait à travers les griffes de sa propre représentation par l'image pour ne représenter qu'elle même, à l'état brut, avec des matériaux dont on avait oublié l'intrinsèque valeur érotique.
Car c'est un triomphe des matériaux qu'il s'agit. Ces jeunes artistes, épicuriens de la génération Mac Do, s'émerveillent de toutes ces matières superflues et néanmoins inhérentes à la vie moderne, nous les montrant toujours sous des jours nouveaux, inédits et quelquefois choquant. Cela faisait plusieurs années qu'on discutait de l'essence de l'art contemporain. Quel est-il? Quels en sont les enjeux? les médiums?
A la lumière du travail de ces jeunes français, une partie du mystère se révèle: comme dans un immense terrain de jeux, le monde et tous ses objets, quels qu'ils soient, deviennent les nouveaux matériaux, à mi-chemin entre ready-made et sculpture, d'un nouveau langage, d'un nouveau Babel, où les mots sont à la portée de tous, traversant les langues, les frontières, les différence de richesse et d'idéologie, et deviennent les briques d'une nouvelle compréhension artistique universelle réconciliant artistes et public, plébéienne à l'extrême puisque dont les médiums, leurs possibilités et leurs contraintes, sont connus de tous. Ne serait-il pas plus facile de parler peinture, si tout le monde avait un chevalet chez soi?
Lorsque légèreté et conscience du monde, poésie et matérialité brute se conjuguent, on peut alors excuser l'art français d'avoir mis tant de temps à pondre cette nouvelle génération de fainéants, en ne leur souhaitant qu'une chose, c'est d'aller bientôt étrenner leur costume Versace flambant neuf chez Sotheby's, un mécène quand même autrement plus généreux que la caisse d'allocation familiale.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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